- Vous présentez plusieurs candidats aux législatives. Pourquoi ? Ne craignez-vous pas d’ajouter de la confusion dans un paysage politique fortement opaque ?
Depuis des années, au prétexte d’éviter le pire, on décourage l’émergence d’idées nouvelles. Cette opacité prospère quand les destins personnels, ou quand la survie des partis, prend le pas sur l’incarnation d’un projet. Je crois, au contraire, qu’il est urgent de s’extraire de ce maelstrom mortifère et de proposer quelque chose de nouveau et d’ambitieux. Avec Philippe Folliot, Sénateur du Tarn, nous lançons Le Centre. Pas un « centre » tiède et confusant comme celui que nous connaissons, à mi-chemin entre la droite et la gauche, mais l’idée de remettre l’essentiel au centre : nos territoires, nos lieux de vie, nos projets de vie, tout ce à quoi la politique a renoncé depuis des années, en adoptant une approche centralisatrice, technocratique et vide de sens.
- Pourquoi ne vous présentez- vous pas aux législatives ?
Car plus que jamais, notre place est dans nos mairies, dernier îlot de stabilité, de dialogue et de confiance. Le désordre actuel tient en grande partie à l’affaiblissement des collectivités territoriales, sans pour autant que l’État se soit renforcé. La proximité façonne l’armature politique, elle est le premier espace de médiation. Une perspective nationale ambitieuse et durable ne peut se dessiner qu’à partir du moment où ce socle est à la fois stable et solide. Une des erreurs majeurs de ces dernières années a d’ailleurs été la suppression du cumul des mandats. Il imposait aux Députés un principe de réalité et un dialogue authentique.
- Comment exister alors que la compétition électorale se focalise sur le choc RN-LFI ?
En pariant sur le temps, plutôt que sur l’instant. Nous n’avions pas prévu de partir si vite alors que Le Centre est à peine créé. Ces élections nous permettent de présenter des candidats dans toutes les régions et de mettre sur orbite nos idées. Je suis convaincu que du chaos actuel émergera une vision pour la France. C’est à partir de nos racines, de notre histoire et de notre géographie, que renaîtra une espérance. Nous avons créé Le Centre, non pas pour faire exister un mouvement supplémentaire qui porterait nos ambitions personnelles, mais pour lancer un véhicule politique qui porte une nouvelle vision pour notre pays.
- Croyez-vous encore en la possibilité d’une coalition de modérés pour diriger la France ?
C’est possible. Mais soyons conscient qu’il n’y aura pas grand-chose à en attendre, autre que de gérer les affaires courantes. Quand j’évoque l’atonie du « centre » dès lors qu’il est un entre-deux entre la droite et la gauche, alors quel souffle pourrions-nous attendre d’un mi-chemin entre centristes de droite et de gauche ? Aucun. Ce n’est plus de pragmatisme de court-terme dont la France a besoin, mais d’une vision assumée, forte et audacieuse qui nous permette enfin de sortir des sables mouvants dans lesquels nous nous enfonçons inexorablement. Le Centre doit incarner une forme de radicalité, au sens d’une véritable détermination à aller au bout d’un projet.
- Qui pour l’incarner ?
Pour incarner ou participer à une coalition, il y aura du monde. Mais espérons que les échéances nous permettront d’en sortir vite car le temps joue contre nous.
- Édouard Philippe a-t-il eu raison de rompre avec Emmanuel Macron maintenant
Ce n’est plus que de la tactique politicienne. Celle dont souffre la France. Edouard Philippe, comme plusieurs ministres ou anciens ministres de Macron, vont tenter de jouer leur propre carte en prenant leurs distances vis-à-vis de celui grâce auquel ils existent. Quelle ingratitude ! Mais c’est tellement le reflet de ce que j’évoquais plus haut : la politique des destins personnels.
- Dès le début du macronisme, vous considériez Macron comme un « syndic de faillite ». Comment le jugez-vous maintenant ?
J’avais employé cette expression pour dire qu’il devrait d’abord redresser la France compte-tenu de l’État de nos finances publiques, mais aussi qu’il devrait aller au bout de l’espoir qu’il incarnait. Huit ans plus tard, force est de constater que la situation s’est fortement dégradée, entrainant la défiance dans son sillage. Tous nos indicateurs sont au rouge : déficit budgétaire, déficit commercial, dette, excès de centralisme, même le chômage dont on se targue de bonnes performances, est au-dessus de la moyenne européenne et de celle de la zone Euro. Notre logiciel politique est obsolète. Si je voulais prolonger l’expression de 2017, je dirais que la France est toujours sous administration provisoire. On gère au quotidien, sans vision, ni ambition, en attendant toujours un repreneur. Les émotions et les algorithmes cadencent la vie politique. Le risque aujourd’hui, c’est que l’impatience légitime des Français les conduise vers une radicalité réactionnaire, celle des extrêmes. Je préfère encore une coalition, mais à condition qu’elle soit de courte durée. Il est temps de doter la France d’un projet politique …