Contribution publiée dans La Tribune de Jean-Christophe FROMANTIN, Guillaume BOUDY, Eric BERDOATI
Revoir l’organisation territoriale et institutionnelle de notre région-capitale au sein de laquelle cohabitent six niveaux de gouvernance, est depuis bien longtemps une évidence pour tous, habitants comme élus. Plusieurs missions s’y sont penchées, maints rapports l’ont préconisée, comme devrait encore le faire le prochain rapport de la Chambre régionale des comptes d’Ile-de-France.
Pour autant, rien n’a bougé. Or il y a désormais une triple urgence : démocratique, pour redonner de la lisibilité et de la cohérence aux politiques publiques – condition de l’adhésion de nos concitoyens souvent dubitatifs voire indifférents à ce qui se passe au-delà de leurs communes – ; économique, écologique et sociale, pour faire de cette région d’ambition européenne et mondiale un modèle de développement durable, inclusif et compétitif ; mais aussi financière, pour rationaliser et dégager des marges de manœuvre au bénéfice des générations à venir.
Alourdie par un empilement inédit d’acteurs – 1268 communes, 63 intercommunalités dont 11 Etablissements publics territoriaux, huit départements et autant de préfectures, la région, la métropole du Grand Paris et 99 syndicats mixtes ou intercommunaux, l’organisation actuelle est devenue un exemple de complexité chronophage, coûteuse et contre-productive.
Pour la réformer enfin (et réellement), il faut s’en tenir à deux principes simples : satisfaire les attentes légitimes des habitants et répondre aux enjeux stratégiques de ce territoire emblématique ; en appliquant quelques critères intelligibles et de bon sens : la subsidiarité des compétences pour garantir l’efficacité et exclure les doublons ; la lisibilité par le citoyen d’une répartition simplifiée des rôles et des responsabilités entre les collectivités et leurs élus ; l’affichage des objectifs de long terme pour ambitionner un développement juste et équilibré, de transition écologique et de promotion internationale ; enfin, la recherche de cohérence et de maîtrise des dépenses publiques.
Parmi les nombreux scénarii sur la table aujourd’hui, nous privilégions une architecture simple à trois étages correspondant chacun à un niveau d’intervention publique :
L’échelon opérationnel de prise en charge des besoins doit rester celui des communes, périmètre de confiance et de dialogue, dont la réactivité et la proximité est appréciée des habitants. La crise du Covid l’a démontré une fois de plus. Cet échelon s’inscrirait dans des intercommunalités à fiscalité propre au sein desquelles un bouquet de compétences prédéfinies, et renforcées le cas échéant, permettront une bonne mutualisation des politiques de proximité. La carte actuelle des intercommunalités pourrait faire l’objet d’une révision pour s’ajuster le cas échéant aux bassins de vie.
L’échelon des solidarités, qu’elles soient sociales (santé, grand âge, établissement d’enseignement secondaire, grandes infrastructures culturelles et sportives) ou économiques (insertion, financement des gros investissements d’infrastructures locales) reste celui des départements qui disposent de la surface financière suffisante pour porter des projets d’envergure. Une péréquation entre les départements pourrait être renforcée et cogérée, à l’image du Fonds de solidarité interdépartemental d’investissement créé par les sept départements franciliens (hors Paris). A terme, une forte montée en puissance des intercommunalités pourrait ouvrir l’option d’une reprise des compétences départementales, permettant la suppression d’un échelon d’administration supplémentaire.
L’échelon stratégique, porteur de l’ambition européenne de l’Ile-de-France est inutilement disputé aujourd’hui entre la Région et la Métropole : il doit être confié à une « Région du Grand Paris » qui portera sur le long terme les réponses aux défis majeurs des mobilités, des grands aménagements structurants, de cohérence territoriale, du partenariat renforcé avec les autres grandes régions et métropoles européennes. Elle se doterait d’une stratégie à dix ans, concertée avec les autres échelons de collectivités et avec l’Etat. Sa représentativité serait assurée par l’ancrage de ses élus dans la réalité des territoires ; ainsi, tout ou partie de l’assemblée régionale serait constituée des représentants des intercommunalités tandis qu’un autre collège pourrait continuer d’être issu d’une élection à la proportionnelle.
Cette réforme de simplification et de clarification des compétences appellera, par ailleurs, une nécessaire révision de la fiscalité locale qui redonne autonomie à chaque échelon de collectivités locales et renforce la responsabilité de leurs élus, via une réelle capacité à décider souverainement du taux de l’impôt et à promouvoir l’attractivité et le développement de leur territoire et l’enrichissement de leurs habitants.