[ma tribune dans Marianne] – Avec des exportations qui chutent de 100 milliards – qui contribueront fatalement à l’érosion de nos parts de marché – ; avec des chaines de valeur qui vont se renforcer plutôt que de se déconstruire pour pallier les impératifs de compétitivité et de pouvoir d’achat ; avec une dette abyssale dont il est à craindre qu’elle obère durablement nos investissements productifs ; avec une économie financière qui nous détourne d’une saine compétitivité basée sur nos avantages comparatifs, soyons lucide. Le système actuel agonise.
Pour autant, de nombreux signaux ouvrent une perspective nouvelle.
Depuis 5 ans, une part prépondérante et croissante des Français (entre 70 et 80% selon les études) aspirent à vivre dans des villes moyennes ou des zones rurales. Or, dans une économie dont la part de PIB issue de l’économie présentielle dépasse les 70%, cette tendance constitue un levier majeur. Elle relativise à court terme l’enjeu industriel dont la part de PIB dans l’économie est inférieure à 15% et amène à considérer l’attractivité résidentielle comme vecteur de relance. Le télétravail renforce cette évolution. Il participe d’une meilleure distribution territoriale de l’économie tertiaire.
Cette nouvelle donne résidentielle est d’autant plus prometteuse qu’elle s’accompagne d’un désir croissant de consommer localement. L’effet multiplicateur des circuits-courts et l’offre de proximité donnent aux économies locales des perspectives de développement sans précédents. Les bassins de vie constitués autour des villes moyennes sont la meilleure échelle pour activer ces boucles de production et de consommation. Ces circuits doivent être considérés comme des parcours d’apprentissage des producteurs. L’industrialisation du XIXème siècle est née d’une rencontre entre les savoir-faire locaux et les machines. La réindustrialisation passera par une nouvelle hybridation entre les circuits-courts et les technologies. Ce levier est fondamental. Il appelle à ce que soient mis en place des dispositifs d’accompagnement et de formation mais aussi des structures d’appui et de financement au plus près des territoires et des producteurs.
Un programme de renouveau économique autour des villes moyennes nécessite par conséquent des investissements structurants pour renforcer l’attractivité résidentielle, développer les atouts culturels, et déployer les infrastructures numériques et de mobilités.
Je propose un acte II du plan de relance autour d’une nouvelle ambition : 50 milliards sont nécessaires pour mettre à niveau nos infrastructures territoriales[1]. Selon le FMI, avec un objectif de 1% du PIB (25 milliards d’investissement en France), le coefficient multiplicateur permet d’espérer une croissance de 2% en année 1 et de 2,5% les années suivantes, et une réduction du chômage de 0,5 point la première année et de 0,75 les années suivantes. Pour améliorer leur cadre de vie, les Français pourraient mobiliser leur épargne. Ils le feront d’autant plus si cela améliore leur cadre de vie. Une des pistes consisterait à libérer les plans d’épargne logement en autorisant leurs détenteurs (14 millions) à les utiliser pour abonder des véhicules d’investissements régionaux dédiés à l’attractivité résidentielle. Cette évolution aurait un double effet : de long terme, sur la compétitivité des territoires, de court terme, sur la consommation locale par l’attribution de la prime d’Etat.
Dessiner une perspective économique pour les Français, avec eux, depuis là où ils aspirent à vivre, c’est d’abord créer les conditions de la confiance dont notre économie a tant besoin.
[1] Montant évalué par le think tank Infrastructure-France