Dialogue avec Philippe Chalmin, Professeur à l’Université Paris-Dauphine
« Il faut espérer que l’humanité du début du XXIème siècle pourra rester dans les mémoires pour avoir assumé avec générosité ses graves responsabilités ». Cette phrase de 2015 du Pape François est particulièrement interpellante. Elle appelle à tirer parti des épreuves que nous traversons pour penser l’avenir à l’aune du Bien commun. La crise sanitaire actuelle, ses causes et ses conséquences prévisibles, posent avec acuité cette question de l’après. Et du sens que l’on voudra bien lui donner. Pour autant, dans une économie globalisée, dont rien ne semblait jusqu’à aujourd’hui pouvoir arrêter le mouvement, peut-on espérer une inflexion au service du Bien commun ?
Avant d’envisager le sursaut d’espérance que le Pape François appelle de ses vœux, nous devons essayer de comprendre l’impact économique de cette pandémie. Marquera-t-elle une cassure avec le cycle de croissance mondiale que nous connaissons ? Ou sera-t-elle un événement sanitaire dont l’inertie d’une économie globale aura raison des effets à moyen ou long terme ? Car cette crise, par son ampleur, a probablement le même potentiel explosif que celui des artificiers qui déclenchent les avalanches en montagne. En 2020, au regard d’un écart de six points entre les prévisions de croissance mondiale initiale (+3%), et celles projetées aujourd’hui (-3%), il n’est pas difficile d’imaginer l’impact qui se profile et l’onde de choc qui découlera de cette déflagration sur l’économie mondiale. A ce stade, s’il est difficile de répondre sur les effets de long terme, on peut néanmoins convoquer quelques faits historiques provoqués par d’autres facteurs exogènes et tenter des comparaisons : la crise de 1929, qui conclut brutalement un cycle libéral dont la 1èreguerre mondiale a révélé l’obsolescence, introduit l’Etat-providence ; plus près de nous, le choc pétrolier de 1973 a marqué la fin des Trente Glorieuses et amorcé un nouvel ordre libéral qui a permis l’émergence de la 3èmerévolution industrielle. Le Covid 19, va-t-il dessiner un virage semblable, mettant un terme temporaire à la grappe d’innovation issue de cette révolution ? Considérant que nous entrons dans la phase de digestion qui suit l’épopée technologique des années 70 ; et que les nouveaux moments d’innovation se profilent à un horizon plus lointain, alors nous serions plutôt dans le retournement d’un cycle économique dont la crise actuelle précipiterait l’issue.
A l’inverse, d’autres facteurs plaident pour une crise à effet rétroactif. C’est le cas par exemple des contre-chocs pétroliers et gaziers dont l’évolution des cours de l’énergie stimulerait la résilience de la vieille économie. Avec la tentation forte, et légitime, de favoriser une relance en s’appuyant sur les actifs industriels actuels et sur les modes de consommation traditionnels. Ces effets rétroactifs, voire rétrogrades, pourraient également se mesurer à l’aune des échecs répétés du multilatéralisme dont la pandémie pourrait sonner durablement le glas. L’atonie du G20, actuellement présidé par l’Arabie-Saoudite, le report de la COP 26 à 2021, la paralysie européenne et, plus généralement, les priorités nationales qui vont découler des crises sociales et politiques que la pandémie aura provoqué, ne laissent pas espérer une réponse collective, ni consensuelle, à la crise actuelle.
Au-delà d’une approche cyclique de cette crise, il faut observer les réactions qu’elle provoquera dans les opinions publiques et, le cas échéant, ses influences sur l’évolution des politiques menées par les Etats. La pandémie, révèlera-t-elle des valeurs sous-jacentes d’équilibre dont on perçoit depuis quelques années une montée en puissance ? Cela donnerait raison au Pape François et au principe de responsabilité qu’il appelle de ses vœux dans sa Lettre encyclique Laudato si’. Aujourd’hui, au pic des angoisses des populations, l’envie de Bien commun est sur toutes les lèvres. Les urgences sanitaires et sociales auxquelles les Etats tentent de faire face donnent une actualité inattendue à l’État-providence. Les appels à une redistribution, voire à une ré-humanisation des chaines de valeurs pour restaurer des économies de proximité et souveraines, s’entendent aux quatre coins du monde. Le besoin de rééquilibrer capital et travail pour s’extraire de sur-financiarisation de l’économie questionne à nouveau ? Quelle résonance auront ces appels ? N’y-a-t-il pas, malgré tout, une part de velléité ou d’opportunisme dans ces expressions ? Et un risque de résignation dès que la crise sera passée ? Sans doute. Mais l’approche de la mort – ou du risque de la mort – que chacun d’entre nous côtoie de plus en plus près, bouleverse les certitudes scientifiques comme les modèles économiques. Avec des milliers, puis des dizaines de milliers, puis aujourd’hui des centaines de milliers de victimes dans le monde, la crise interpelle à nouveau les valeurs humaines. Elle rend plus humble, elle fait prendre conscience à chacun de sa fragilité et de ses responsabilités. C’est en ce sens que la notion de Bien commun retrouve une actualité. Elle nous amène à porter un regard neuf sur de nombreuses initiatives qui s’avèrent plus nécessaires que jamais : les COP, la Convention sur le commerce international des espèces de faunes et de flores sauvages menacés ; la Convention de Bâle sur les déchets dangereux ; ou la Conférence des Nations-Unis sur le développement durable. Elle croise une aspiration au bien-être qui se substitue à celle qu’occupait la réussite matérielle à n’importe quel prix. Elle interpelle les excès d’un cycle dont la croissance est devenue la principale raison d’être.
« Quand vous ferez les moissons dans votre pays, tu ne couperas pas les épis jusqu’au bord de ton champ, et tu ne ramasseras pas ce qui reste à glaner. De même, tu ne cueilleras pas les grappes restées dans ta vigne et tu ne ramasseras pas les fruits qui y seront tombés. Tu laisseras tout cela au pauvre et à l’immigré. » Cette prophétie métaphorique du Lévitique apporte un élément de réponse. Elle rappelle le sens de l’économie, ou plutôt ses limites, dès lors que la marchandisation s’érige comme principe cardinal.
L’économie qui sortira de cette crise sera probablement ce que nous en ferons. Elle ne donnera raison à une théorie économique des cycles – s’il en est – qu’à condition qu’il existe un cycle naturel des équilibres fondamentaux. Car la crise révèle d’abord nos fragilités dès lors qu’apparait un dysfonctionnement entre l’homme et la nature. L’économie procède néanmoins d’une réalité indiscutable : la confiance. La crise aura provoqué un véritable doute vis-à-vis d’un modèle de développement ; mais aussi de tous les sachants et les savants dont l’illusion prométhéenne se mesurait à l’aune des promesses de l’intelligence artificielle ou du transhumanisme. La confiance retrouvée sera au prix d’un nouveau modèle. Il nous appartient dorénavant d’en tracer les contours …
Jean-Christophe Fromantin
Nous avons connu le dirigisme économique d’un gouvernement arrogant, incapable de comprendre la signification de toute responsabilité; nous connaissons l’autoritarisme politique du même gouvernement, incapable d’admettre aucune critique.
Avant de penser aux fameux cycles économiques, il importe de s’inquiéter de la survie de nos traditions républicaines, après le mépris du macronisme pour notre héritage politique et contre le peuple français.
Le gouvernement a commis une faute morale impardonnable en privant un pays catholique de la grâce des sacrements et méprisant le fondement de l’Eglise dans ses prêtres.
Après cela,le refus de nouvelles élections législatives ne pourrait qu’aggraver le désordre des esprits et du pays.