Un an après la crise des gilets jaunes, deux questions restent dans les esprits : La crise est-elle passée ? Les problèmes qui en ont été à l’origine sont-ils résolus ou en voie de résolution ? Car la baisse d’intensité du mouvement peut s’expliquer autant par la satisfaction des manifestants que par un sentiment de résignation.
La meilleure façon de répondre à ces questions est de revenir à l’origine de la crise, et plus particulièrement à trois sentiments exprimés par les Français, en particulier lors de la première partie du mouvement des gilets jaunes : le délaissement, le déclassement et la défiance. La montée de ces sentiments – jusqu’à mettre des centaines de milliers de Français dans la rue – pointe l’obsolescence d’un modèle dont il n’est pas certain qu’elle ait été bien comprise de la part des responsables politiques. Certes, des mesures ont été prises, d’annulation de la hausse de la TICPE, de création d’une prime d’activité, de défiscalisation des heures supplémentaires ou d’annulation de la désindexation des pensions pour les retraités. Mais ces dépenses sont-elles la réponse ? Ont-elles permis de renverser les sentiments de délaissement, de déclassement ou de défiance qui traversent la société ? Sont-elles celles par lesquelles une véritable perspective d’avenir peut s’entendre pour tous les Français, quelque-soit l’endroit où ils vivent ? Manifestement non ; et force est de constater que malgré les efforts financiers du Gouvernement, jusqu’à renoncer à la trajectoire d’équilibre des comptes publics, la confiance n’a pas progressé d’un iota.
Car la réponse n’est pas seulement budgétaire. Une société de confiance ne se décrète pas ; elle ne s’achète pas ; elle ne se réduit pas à des hausses de pouvoir d’achat ; elle ne s’improvise pas non plus. Dans un monde doublement secouée par la crise écologique autant que par les technologies du futur, une société de confiance, celle par laquelle chacun peut imaginer un avenir meilleur pour lui et sa famille, mérite une promesse à la hauteur des enjeux. Et les Français ne s’y trompent pas ; en retenant leur consommation, en accroissant leur épargne et en s’endettant pour investir, ils fixent le cap ; ils font le choix du long terme davantage que le Gouvernement. Ils attendent des investissements plutôt que des dépenses.
La France ne sortira de la crise qui la touche en profondeur qu’en étant capable de répondre à un principe simple : celui de permette à chacun de vivre et de travailler là où il souhaite vivre. Dans une enquête récente du CEVIPOF et de l’AMF[1], à la question essentielle : « dans l’idéal, si vous aviez le choix, où aimeriez-vous vivre ? », les Français choisissent pour 45% un village, pour 41% une ville moyenne et pour 13% une métropole. Or, en abandonnant les territoires, en surestimant le modèle métropolitain et en vantant la « startup nation », le Gouvernement envoie un signal inverse de celui auquel aspirent les Français. Aucune mise en perspective d’une véritable ambition territoriale ne se profile : ni dans la loi mobilité qui ne trace pas l’architecture d’un nouveau maillage entre les villes moyennes et les métropoles, ni entre les zones rurales et les villes moyennes ; pas d’avantage dans le déploiement de la 5G qui se concentre vers les grandes villes, ni dans le financement des équipements publics que les Français aspirent à conserver près de chez eux ; pas non plus dans une approche économique qui consacre le primat métropolitain au détriment d’un véritable projet économique national. Aussi, le sentiment de délaissement a toutes les raisons de s’accroître et d’entrainer dans la spirale celui du déclassement. Les Français sont de plus en plus nombreux à considérer qu’ils appartiennent aux catégories les plus modestes[2]. Les mêmes, touchés par le délaissement, souffrent d’une dévalorisation de leur patrimoine due au caractère de plus en plus asymétrique du développement de la France. Entre des métropoles saturés et des villes ou des villages dévalués, faute d’un projet d’aménagement du territoire équilibré, la France fonctionne dorénavant comme un système spéculatif : l’investissement se cristallise sur quelques spots métropolitains à haut potentiel de gain. Par conséquence, le déclassement s’observe autant dans les métropoles où l’espace est de plus en plus contraint, la vie de plus en plus chère et l’emploi de plus en plus difficile, que dans les territoires où les équipements, les hôpitaux ou les écoles sont de plus en plus rares.
Ce que la crise des gilets jaunes a révélé, au delà des budgets et des dépenses, c’est une ambition et un programme. Car si demain le président sanctuarise nos 300 villes moyennes, celles des ronds-points, pour en faire des espaces de vie, apaisés, abordables, équipés en services publics, espaces d’intersections entre les zones rurales et les métropoles, alors j’en suis convaincu, les Français s’y installeront, les entreprises y resteront, les collectivités y investiront et le mouvement d’équilibre dont la France a besoin se fera par la confiance retrouvée.
[1]Enquête Cevipof-Sciences-Po- AMF avec IPSOS auprès de 15308 personnes – juin 2019
Tout à fait d’accord avec votre analyse sans oublier la perte de repères (valeurs) depuis les années 80.
Les français sont déracinés par trop de laxisme. L autorité, l exemplarité, LA FAMILLE, l l’entraide, le travail, sont des valeurs qui s estompent depuis les années 80.
Il appartient à l état de les rétablir pour retrouver du confort de vie pour tous