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Auditionné par une commission nationale sur ses difficultés à atteindre les objectifs de logements sociaux, le maire de la commune la plus riche de France estime que, pour y parvenir, il faudrait mobiliser 2 milliards d’euros ou construire 110.000 logements neufs.
Le maire de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), Jean-Christophe Fromantin, en a assez d’être désigné, années après années, comme le «cancre» ou le «mauvais élève» du logement social. Les divers classements sur le respect des objectifs de la loi SRU (relative à la solidarité et au renouvellement urbains) ne manquent en effet jamais de faire ressortir les piètres performances en matière de HLM de l’une des communes les plus riches de France. Le dernier bilan triennal disponible (2014-2016) montre que la ville ne comptait que 6,22% de logements sociaux en 2016 alors qu’elle est censée atteindre le taux de 25% d’ici 2025.
«On nous oppose sans cesse les mêmes arguments, il faudrait acheter des logements existant dans le diffus ou construire plus, souligne, exaspéré, Jean-Christophe Fromantin. Or, c’est mathématiquement impossible.» Une situation qui coûte désormais 7 millions d’euros de pénalités à la commune. Sortant sa calculette, l’élu explique que la différence entre les objectifs qui lui sont assignés et ses prévisions est de 5640 logements. S’appuyant sur une valeur moyenne de 7800 €/m² (une fourchette basse pour la commune), il explique qu’il faudrait dépenser 2,1 milliards d’euros sur les 9 années à venir. Et préempter au passage 34% des ventes réalisées chaque année dans la commune! Et si les dépenses sont partagées avec l’État, la ville devrait de son côté débourser 116 millions d’euros par an de subventions, soit 130% de son budget de fonctionnement.
Seulement 1,4% de logements sociaux dans les propriétés de l’État
Et la construction dans d’hypothétiques jardins ou dents creuses ne serait guère plus efficace. L’élu de Neuilly rappelle que les services de l’État n’ont recensé que 75 parcelles constructibles sur sa commune. Pour assurer le financement de n’importe quelle opération, il faut assurer un équilibre de 70% de logements libres contre 30% de logement social, ce qui continue à faire progresser la part des premiers. À ce rythme, il faudrait créer plus de 110.000 logements à l’horizon 2025. C’est plus de trois fois le parc actuel de la ville!
Par ailleurs, Jean-Christophe Fromantin tient à dénoncer l’attitude de l’État sur ce dossier, adoptant le refrain: «Faites ce que je dis, pas ce que je fais!» Il relève ainsi que les 800 logements indirectement détenus par l’État sur sa commune (via la Caisse des Dépôts et Consignations) ne comptent que 1,4% de logements sociaux, au nom d’impératifs de rendement. Par ailleurs, il pointe que l’Agence régionale de santé, autre structure publique, a laissé filer la possibilité de reconvertir 30.000 m² de locaux hospitaliers en logement pour augmenter les surfaces médicales alors que la commune ne manque absolument pas de telles infrastructures. Selon lui, la seule façon de s’en sortir serait de considérer les efforts réalisés sur les nouveaux permis (part de logements sociaux sur les créations plutôt que sur l’ensemble du stock) et de régler le problème à l’échelon intercommunal, le niveau où les décisions se prennent.
35 logements sociaux à la place de l’hôtel particulier de Jacques Servier
Des critiques qui n’empêchent pas la commune de réaliser quelques opérations de logements sociaux. Sur l’île de la Jatte, 95 appartements avaient ainsi été inaugurés fin 2015 et seront rejoints en 2020 par une centaine d’autres issus d’une reconversion de bureaux en logements. Par ailleurs, la commune devrait finaliser en 2022, la rénovation extension de son plus grand ensemble de logements sociaux, situé au 167, avenue Charles de Gaulle. L’occasion de passer, sur cette adresse, de 148 à 200 logements sociaux. Enfin, plus confidentiel en nombre de logements mais plus symbolique, le permis de construire devrait bientôt être accordé pour la transformation de l’ancien hôtel particulier de Jacques Servier, fondateur du groupe pharmaceutique éponyme, en HLM. Un ensemble de deux maisons accolées devrait laisser la place à un petit immeuble de 35 logements sociaux, «à raison de 150.000 euros de subventions par logement», précise Jean-Christophe Fromantin. Et à quelques mètres de là, dans ce quartier cossu, à deux pas de la Fondation Louis Vuitton, une autre demeure va laisser la place à un immeuble comptant 30% de logements sociaux. Une vraie évolution, à défaut d’une révolution.