La modernisation de notre démocratie ne passe certainement pas par la loi sur le non-cumul des mandats. Et les candidats aux présidentielles – s’ils sont attachés au renouveau de notre démocratie – devraient faire preuve de davantage d’ambition et de vision sur ce sujet.
La très grande majorité des Français – entre 80% et 85% selon les études d’opinion – disent ne plus faire confiance aux hommes et aux partis politiques. Et pourtant, les électeurs y reviennent à chaque scrutin avec un sentiment de résignation. Ils n’ont pas d’autre alternative que celle de voter pour les éternels « professionnels » de la politique et leurs « étiquettes » surannées. Avec les Primaires, les partis vont jusqu’à opérer la pré-sélection afin d’éviter l’émergence de nouveaux acteurs en dehors de leur système. Avec la loi sur le non cumul des mandats ils évitent une réforme en profondeur de l’appareil politique. L’emballement autour d’Emmanuel Macron est un signe que les Français veulent du « neuf » – du « hors système » – et que le renouveau politique relève davantage d’un problème d’offre que de demande.
C’est la raison pour laquelle, la seule question intéressante sur la nouvelle règle de non-cumul des mandats est la suivante : en quoi favorise-t-elle le renouvellement des acteurs politiques ? La réponse s’affiche malheureusement en direct sous nos yeux. Les partis continuent à réserver, quoiqu’il arrive, les circonscriptions aux sortants, et, pour ceux qui ne rempilent pas, ce sont leurs collaborateurs, leurs collègues, voire leurs conjoints qui se répartissent les postes au mieux des intérêts ou des carrières de chacun. La loi sur le non-cumul ne contribuera en rien au renouveau de l’offre politique et encore moins à la mobilisation des nouveaux talents dont notre pays a tant besoin. Elle renforce au contraire un « entre soi » hermétique à l’émergence de nouveaux profils.
S’attaquer à la modernisation de notre démocratie mérite une autre loi, plus audacieuse, qui n’aura pas peur de remettre en cause les fondements d’un système qui relève davantage de l’oligarchie que de la démocratie. C’est à cette aune que nous pourrons véritablement juger de l’ambition des candidats aux présidentielles.
Quatre priorités à traiter concomitamment me semblent nécessaires pour moderniser notre démocratie : l’évolution de la représentation nationale, le respect du principe d’engagement plutôt que de carrière, le statut de l’élu et le financement des partis politiques.
1° Le premier point est le sujet socle. La France a-t-elle besoin de 965 parlementaires – députés et sénateurs confondus – auxquels s’ajoutent les 233 membres du Conseil Economique et Social ? La réponse est évidemment non ! En assurant plus de diversité dans l’engagement politique, en adaptant le nombre de députés à une nouvelle géographie territoriale et en transformant le Sénat en assemblée des territoires, on pourrait passer de trois à deux assemblées et de 1158 membres à moins de 600 parlementaires. Cette évolution aurait le double avantage de l’efficacité et d’une meilleure incarnation de la France et de ses territoires.
2° Le second point porte sur ce fameux « non-cumul ». Cette loi n’aurait dû s’entendre que par sa capacité à déverrouiller le système politique pour que des compétences ou des expériences nouvelles puissent innerver le débat. Cela impliquerait deux règles : la limitation à deux mandats nationaux et trois mandats locaux afin que ce soit le temps des projets et non pas celui des carrières qui rythme l’engagement politique, et le respect d’une limite d’âge comparable à celle qui se pratique dans le privé.
3° Le troisième point concerne le statut de l’élu. Il serait d’autant plus essentiel si on veut limiter les mandats dans le temps. Pour attirer de nouveaux profils qui incarnent les évolutions que vivent nos territoires et notre pays il serait nécessaire de mieux les accompagner. Les questions de formation, de rémunération et de reconversion devraient être traitées sur des critères similaires à ceux dont bénéficient les acteurs la fonction publique. Le statut d’un Président de Région devrait être calé sur celui d’un Préfet de Région ; celui d’un maire sur le statut d’un cadre aux responsabilités équivalentes. En dégradant le statut de l’élu on renonce trop souvent aux compétences. C’est aussi important en terme de liberté car il n’est pas normal que la « protection » d’un parti politique soit quasi-indispensable pour assurer la sécurité professionnelle d’un élu en lui facilitant l’accès à des rémunérations complémentaires. Si nous voulons attirer de nouveaux profils nous devrons libérer les élus d’un système qui les tient et les contraint ; il faudra leur donner la disponibilité nécessaire pour leur engagement.
4° La quatrième orientation porte sur le financement des partis politiques. Car les dynamiques de mobilisation ne peuvent éternellement se cristalliser autour de grands partis qui profitent outrageusement d’une rente de situation. Leurs parlementaires les alimentent en financements publics qui leur permettent de financer leurs futures campagnes. Un circuit fermé qui bloque les nouveaux entrants. C’est la raison pour laquelle, je propose d’une part de désintermédier les partis des financements publics et d’autre part, l’accès à ces financements depuis les élections locales. Ce sont deux conditions indispensables à l’émergence d’une nouvelle offre politique qui partirait des idées, des projets et des territoires plutôt que des états-majors des partis politiques.
Les Français perçoivent de mieux en mieux le décalage abyssal entre la classe politique et les enjeux à relever. Le coup de l’homme providentiel issu du système – façon Macron –, ou l’appel à la société civile avec quelques patrons du CAC 40 – façon Fillon –, ne résisteront pas à l’attente de renouveau s’ils ne s’accompagnent pas d’une réforme audacieuse de la démocratie. La loi sur le non cumul des mandats n’est qu’un trompe l’œil qui préserve habilement un vieux système et cache l’ampleur des décisions à prendre pour mettre, enfin, de l’oxygène dans la vie politique.
Effectivement, la refonte du financement est essentielle. Paradoxalement, c’est par le financement prévue actuellement au moment des législatives (x centimes par voix obtenue) que 577 TEM bénéficiera d’une aide publique conséquente pour la durée de la mandature.
La question est donc : quand introduire ce changement de financement ?
utile comme article, et sympa !