Le cycle de réformes territoriales que nous venons de vivre – avec les lois sur le mode de scrutin, sur l’affirmation des métropoles, sur la délimitation des régions et actuellement sur les intercommunalités – aurait pu relever d’une vision globale sur l’aménagement du territoire. Cette mise à jour aurait dû être de ces réformes audacieuses qui permettent à la France de prendre la mesure des défis qu’elle doit relever et d’une nouvelle organisation de nos territoires, plus simple, plus efficace et plus moderne. Malheureusement ces réformes dispersées ne procèdent pas d’une vision stratégique pour la France.
Elles ne permettent pas de répondre à deux questions pourtant essentielles : Quelles sont les bonnes échelles pour les politiques de proximité et de développement ? Quelles articulations doit-on promouvoir pour optimiser les actions des collectivités et de l’Etat ? Et de veiller à ce que les réponses proposées respectent les impératifs d’efficacité budgétaire auxquels nous devons souscrire.
Nous devrons rapidement mettre en œuvre une vaste et profonde réforme de nos territoires et de nos institutions, qui devra partir « de là où les gens vivent » afin d’assurer la fertilisation de l’ensemble du pays et de veiller à ce que tous les atouts de la France soient réellement pris en compte et valorisés.
Le premier objectif est de reconfigurer un réseau de proximité. Les enjeux sont nombreux : ils concernent l’accès aux équipements publics, les parcours scolaires, la gestion des mobilités, l’action sociale, les politiques de logement mais aussi l’émergence de nouveaux espaces d’innovation pour soutenir les politiques de développement et d’emploi. L’optimisation de ces politiques ne peut plus se faire au niveau des communes, pas davantage à celui d’intercommunalités de 10 000 ou 20 000 habitants comme le préconise la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). Elle appelle la création d’échelles adaptées aux enjeux contemporains, comme celle de fédérer nos 36 000 communes au sein de 500 territoires intercommunaux structurés autour des villes moyennes.
Équité territoriale
Ces nouveaux territoires seraient les pivots de la décentralisation : ils constitueraient des territoires de projets ; ils formeraient des subdivisions régionales et ils coïncideraient progressivement avec la circonscription législative et l’arrondissement sous-préfectoral. Cette échelle entraînerait de facto la suppression des départements. Elle appellerait également une reconfiguration des compétences communales selon le principe de subsidiarité. Ces 500 « territoires vécus » s’inscriraient ainsi dans une double logique d’interconnexions visant à positionner, à terme, chaque Français à moins de 20 minutes d’une ville moyenne et à moins d’1h30 d’une métropole connectée au monde.
Cette évolution aurait le grand avantage d’assurer à chaque Français un accès équitable à un bouquet d’équipements publics (écoles, collèges et lycées, maisons de retraite, équipements sportifs ou hôpital) ; de bénéficier d’une taille critique suffisante pour développer sur le terrain les politiques de développement et d’emploi menées par la région ; et de coordonner localement une véritable politique sociale et de santé. Elle permettrait aussi de réunir dans un même espace, l’élu local, le député et le représentant de l’Etat afin d’améliorer l’ensemble du processus politique, de le rendre plus lisible et d’engager des politiques contractuelles d’optimisation qui entraîneraient la fusion entre les services déconcentrés de l’Etat et ceux des collectivités locales.
Les villes moyennes seraient ainsi les pivots des politiques de proximité ; les métropoles ceux des politiques de développement. Car la mondialisation exige que nous connections le plus directement possible nos territoires au reste du monde, pour les faire tous profiter de la croissance internationale.
Territoires connectés
Or, les métropoles sont justement ces interfaces qui permettent de jouer ce rôle d’intermédiaire entre les différents territoires français et les autres parties de la planète. Les fonctions tertiaires qu’abrite une métropole facilitent l’adaptation des entreprises locales aux exigences d’une économie globale. Plus nos entreprises seront connectées aux métropoles, plus elles bénéficieront d’un écosystème performant qui facilitera leurs connexions avec le monde. Les métropoles ont cette capacité à stimuler la valeur ajoutée supplémentaire nécessaire au développement de la plupart de nos filières. Car notre réindustrialisassions passe par notre capacité à intégrer davantage d’innovation dans nos produits ; les fonctions métropolitaines peuvent y contribuer, c’est dans ce sens qu’elles agissent comme des connecteurs indispensables entre nos entreprises et l’économie mondiale.
Cette approche est stratégique pour un pays comme le nôtre car la déconnexion de nos territoires du reste du monde enclenche irrémédiablement la neutralisation progressive de nos avantages comparatifs. C’est d’ailleurs dans cet esprit que nous aurions dû intégrer les enjeux de mobilité et, plus largement, ceux de l’aménagement du territoire dans une grande ambition politique sur l’évolution des collectivités, de leurs compétences et de la gouvernance.
Une dizaine de villes françaises ont cette capacité à devenir des pivots pour l’ensemble du pays. De telle manière à ce qu’aucune partie de la France, ni aucun territoire rural, ni aucun Français, ne soient à plus d’1h30 d’une métropole connectée au monde. C’est là aussi une question d’équité territoriale, c’est surtout la seule voie possible pour que demain, aucun de nos territoires ne soit les « oubliés » de la mondialisation.
La question n’était donc pas de savoir si la France devait compter huit, dix, douze ou quinze régions mais plutôt d’énumérer nos métropoles-pivots, puis de les relier à chacune de nos villes moyennes. C’est ainsi qu’aurait dû se dessiner la nouvelle carte de France en partant « de là où les gens vivent » et en connectant nos territoires au nouveau monde global.
…En savoir plus sur le site du Monde.fr
Bonjour,
je viens de lire votre article paru en date du 24 juillet dernier, avec un peu de retard donc, mais nous sommes en temps de vacances… Il me paraît intéressant, bien que un peu théorique, et je trouve qu’il lui manque au moins 2 cartes qui auraient été plus parlantes et plus convaincantes : une carte des 500 territoires intercommunaux reliés aux villes moyennes et une carte des 11 ou 12 unités territoriales reliées aux grandes métropoles devant faire office de régions. Pour être encore plus convaincant, il aurait fallu comparer ces cartes à celles existantes, pour en faire une analyse à la fois comparative et valorisante : vous prônez de « nouveaux » découpages, plus efficients et plus adaptés à notre temps. Fort bien, et bien montrez à vos lecteurs que vous avez raison et rien de tel qu’une bonne carte pour le leur montrer…
C’est un géographe qui parle et qui a bien conscience qu’il s’adresse à un économiste, même homme de terrain, je n’en doute pas…
Cordialement.
F. Legouy – Université d’Orléans