« Dans un monde global, une mauvaise santé à l’exportation est de plus en plus le signe avant-coureur d’un décrochage économique et social »
A la demande du Groupe UDI de l’Assemblée nationale, Jean-Christophe Fromantin – Député des Hauts-de-Seine et co-auteur en 2012 d’un rapport sur l’évaluation des politiques publiques à l’exportation –, alerte à nouveau le Gouvernement sur les graves difficultés de notre commerce extérieur et sur les conséquences que cela peut avoir en terme d’équilibre économique et d’emploi pour la France.
« Ce débat fait écho aux nouveaux chiffres catastrophiques du chômage et à une note récente du Conseil d’analyse économique sur la dégradation continue de nos parts de marché »
Le commerce extérieur français est sur une mauvaise pente depuis près de 20 ans. Alors que notre pays compte de très nombreux avantages compétitifs, qu’il jouit d’une image internationale forte et que son économie est stimulée par la réussite de nombreux grands groupes présents à travers le monde, il continue à perdre des parts de marchés, tant dans la zone Euro que dans le reste du monde. La France a perdu près de 50% de parts de marché depuis 1995, le nombre de ses entreprises exportatrices s’est fortement réduit et 80% de ses exportations se développent sur l’amplification des flux existants plutôt que la mise en marché de nouveaux produits. Cette situation traduit une série de graves lacunes dans notre économie touchant à la fois sa compétitivité et sa capacité d’innovation. Elle est sans doute une des principales causes de nos difficultés sur le front de l’emploi car la bonne santé des exportations est le premier signal d’une économie prospère.
« Les effets combinés de la baisse de nos parts de marché et du ralentissement de la croissance mondiale risquent d’avoir des effets destructeurs sur notre économie et sur l’emploi »
L’impact de nos exportations sur les performances de nos politiques économiques et sociales va être de plus en plus forte. D’une part, parce que la globalisation nous positionne au cœur d’un système économique ouvert et que les performances de nos entreprises sont chaque jour plus dépendantes des écarts entre notre système normatif et fiscal et celui des autres pays du monde ; mais aussi, parce que notre plus faible exposition au commerce mondial nous permet de moins en moins de bénéficier des perspectives de croissance dans le monde. Ainsi, les effets conjugués de la baisse de nos parts de marché et du ralentissement de la croissance mondiale annoncé pour les années à venir risquent d’avoir des effets destructeurs sur nos perspectives économiques et sur l’emploi.
Cette situation explique sans doute l’impact très limité, voire nul, des « bonnes nouvelles » récentes sur les taux d’intérêt, le cours de l’euro et la facture énergétique.
Notre problème n’est pas conjoncturel mais avant tout structurel.
C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons réduire nos ambitions à l’exportation, ni à l’attente de jours meilleurs, ni à un changement de nom du dispositif public d’aide aux exportateurs (cf. UbiFrance devient Business France).
« Nous devons réorienter l’ensemble de nos politiques publiques de telle manière à faire de nos exportations un enjeu prioritaire pour la prospérité de notre économie et, par là même, pour le maintien de notre promesse sociale »
Les orientations de nos politiques publiques concernent quatre grands domaines :
- La relance urgente d’une politique d’aménagement du territoire. En effet, notre stratégie d’ouverture sur le monde et le bon « câblage » de nos entreprises à l’international appellent une nouvelle ambition pour la connexion des grands ports maritimes français à tous nos territoires. La massification des flux – cf. les nouveaux navires de 18.000 containers – font des hinterlands des enjeux majeurs et stratégiques pour nos exportations. Or la France a pris beaucoup de retard et les ports de Rotterdam, d’Anvers, de Barcelone ou de Gênes captent une part croissante des échanges entre la France et le reste du monde.
- Le renforcement de nos politiques d’investissement et d’innovation est urgent. Notre productivité se dégrade et affecte notre compétitivité. Nos entreprises ne génèrent pas les marges suffisantes pour réitérer leurs avantages comparatifs. Des dispositions fiscales plus ambitieuses doivent être proposées. Les alertes du Conseil d’analyse économique (CAE) et de la Fondation Concorde sur le réel impact du CICE, voire sur son risque contre-productif à l’export, doivent rapidement être vérifiées et corrigées.
- Les composantes de notre politique de compétitivité « hors prix » doivent également être réellement considérées. Cela passe par l’ambition de nos politiques culturelles, par le rayonnement de la France – la candidature de la France à l’Exposition universelle est de ce point de vue une réelle opportunité –, par la formation, mais aussi par une politique pro-active en terme de normes et de négociations internationales pour éviter des dispositions non tarifaires préjudiciables au développement de nos entreprises.
- Enfin, il est urgent de travailler à une refonte de notre politique d’accompagnement à l’exportation. Y a-t-il encore un sens à ce que l’acteur public soit à la fois stratège et opérateur ? Compte tenu du spectre des attentes des entreprises à l’international, de l’influence croissante d’internet, des besoins dans le domaine de l’accompagnement à la prospection, du soutien à l’investissement ou des solutions d’hébergement ; compte-tenu également du champ des secteurs concernés, de la complexité des marchés et de la taille des entreprises, comment imaginer que l’Etat puisse faire face à une telle évolution de la demande ? Compte tenu enfin de la diminution de ses crédits face à un tel enjeu, il est urgent pour l’Etat d’aborder différemment sa stratégie à l’international et de s’organiser dans une dynamique d’ensemblier des acteurs privés plutôt que d’opérateur direct.
Il y a clairement deux dimensions dans ces enjeux d’exportation et d’emploi : celui d’une politique de long terme pour ré-intermédier la France dans le commerce international ; celui d’une réaction opérationnelle urgente pour endiguer le décrochage de notre économie. Les chiffres du chômage – en particulier celui de longue durée – nous rappellent cette difficile réalité et notre responsabilité politique face à ces mutations …