Par Etienne Gless pour LEntreprise.com,
Une vigie des entrepreneurs face aux dangers du PLF 2014 (Projet de loi de finances). C’est ainsi que se définit le groupe » PLF Entrepreneurs » lancé cet été par Jean-Christophe Fromantin, PDG d’Export-Entreprises et maire de Neuilly-sur-Seine depuis 2008. Objectif : mesurer l’impact de certaines décisions budgétaires sur les entreprises.
Quelles raisons vous ont poussé à créer ce groupe de travail ?
L’idée était d’inviter les entrepreneurs dans la discussion de la Loi de finances pour ne pas revivre le mouvement de l’année dernière avec une sorte de panique sur le tard. Etant moi-même entrepreneur, j’ai constaté qu’il y avait un monde entre les entrepreneurs et le législateur. Elu député en 2012, je me suis inquiété du contenu du PLF 2013 mais je me suis rendu compte que je n’avais pas beaucoup de moyens pour identifier en profondeur dans les textes tous les risques pour les entrepreneurs. Et ces risques étaient aussi mal identifiés par les autres Parlementaires. Beaucoup d’entre eux ont une formation publique et ne connaissent guère les finances privées, y compris à la Commission des finances. J’ai quand même pu en catastrophe passer un amendement constructif sur les articles 5 et 6 sur les plus-values de cession. Je me suis dit à l’époque : l’année prochaine, je m’organiserai différemment. D’où l’idée de monter une véritable vigie avec des têtes de réseaux, des fiscalistes, des avocats pour suivre le processus très en amont et jusqu’au débat parlementaire.
Qui est présent dans ce groupe de travail?
Le groupe est composé d’une vingtaine de personnes: des gens de Croissance Plus, de la CGPME, de l’association des ETI (ASMEP-ETI), des investisseurs, des banquiers, des expert-comptables, des avocats… Il y a un seul autre député, lui aussi entrepreneur : Lionel Tardy. Nous avons tenu plusieurs réunions dont une fin juin, le jour du débat d’orientation budgétaire sur le PLF, au moment du retour de premières critiques de Bruxelles sur les orientations du PLF 2014.
Depuis l’affaire des Pigeons en réaction au PLF 2013 l’an passé, on a le sentiment que cette préoccupation des entrepreneurs n’a jamais cessé ?
En effet. Récemment l’affaire des auto-entrepreneurs a beaucoup inquiété. Il y a dans le monde de l’entrepreneuriat un souci constant. Notre groupe de travail va être très vigilant sur les mesures susceptibles de dégrader la situation des entreprises et sera force de proposition. Je veux que notre initiative soit extrêmement construite : qu’on analyse en détail les conséquences des mesures, et que vis-à-vis du gouvernement ce soit perçu comme une démarche constructive et non politicienne. Nous avons pris contact avec le ministère des Finances pour le rencontrer fin août et engager le dialogue afin de ne pas être uniquement dans une critique ou un rapport de forces.
Quels sont les points qui fâchent à l’issue de vos premières réunions de travail ?
Il y a des paradoxes incompréhensibles dans ce gouvernement ! Le dernier c’est quand Benoît Hamon annonce qu’il va falloir être transparent sur les perspectives de cession de son entreprise : c’est surréaliste et illusoire. L’idée de mettre les salariés dans le coup est bonne et sympathique. Mais en même temps, l’entreprise a des fournisseurs et des clients, et annoncer qu’on va céder son entreprise et rendre cette information publique sera très dur à gérer. Les clients vont remettre en question la relation de confiance, les fournisseurs vont accélérer leurs demandes de règlement et douter de la santé de l’entreprise, ce qui expliquerait sa vente… Des projets comme celui-là témoignent d’une vision théorique et conceptuelle de l’entreprise qui n’est pas celle des praticiens : elle est irréaliste.
Craignez-vous une hausse de la fiscalité sur les entreprises en 2014 ?
Oui, et c’est l’autre point inquiétant qui contredit les annonces faites lors de la clôture des Assises de l’entrepreneuriat. Fiscalement, dans le PLF 2014 on sent bien qu’une hausse des impôts pour les entreprises va être activée; les ménages sont au taquet. Il y aura des prélèvements supplémentaires sur la loi de finances en 2014 sur les entreprises: le gouvernement n’a pas le choix. Notre vigie est fondamentale car il y a un fort risque que les entreprises soient à nouveau mises à contribution. Tout le monde le ressent : les 20 milliards d’euros à trouver pour 2014 porteront à 70% sur les dépenses (14 milliards d’économies à trouver) et 30% sur les recettes. Le rapport Eckert confirme des hausses d’impôt vont donc devoir être trouvées à la rentrée. Le président de la République avait pourtant promis la stabilisation de la pression fiscale… Mais François Hollande a hélas beaucoup nuancé son discours sur la fiscalité depuis les Assises de l’entrepreneuriat.
N’est-ce pas l’évolution de la conjoncture qui le pousse à revenir sur ces engagements ?
Oui. On connait les engagements du gouvernement suite aux Assises de l’entrepreneuriat mais on connait aussi la situation macroéconomique très tendue et qui pourrait remettre en cause les engagements pris alors. Toutes les conditions sont réunies pour une vigilance attentive et construite. Non dans une perspective critique mais par conviction : la reprise économique viendra non pas du gouvernement, mais des entreprises. Notre initiative peut contribuer à recréer la confiance en favorisant un lieu d’échanges entre entrepreneurs, parlementaires et gouvernement fondé sur une approche non politicienne mais entrepreneuriale, pragmatique et opérationnelle. Je veille à ce que ce groupe de travail reste dans le champ de l’analyse d’impact et de la proposition et n’entre pas dans celui de la critique.
Quel est le calendrier de vos prochaines réunions?
La prochaine, début septembre, sera consacrée aux premiers arbitrages budgétaires dont on aura les échos via les ministères fin août début septembre. Nous ferons une autre réunion fin septembre pour une lecture en détail du projet de loi de finances 2014 qui passe en conseil des ministres le 26 septembre. Nous ferons une réunion d’analyse en profondeur du texte juste après. Enfin le 11 octobre, jour de dépôt des amendements, nous ferons une réunion élargie : j’ai déjà réservé la salle Lamartine de l’Assemblée nationale pour une grande réunion d’information des entrepreneurs sur le projet de loi de finances. Nous recevons des dizaines de demandes pour rejoindre notre groupe de travail, ce qui prouve l’état de préoccupation des entrepreneurs !
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