Dès que le sujet du logement social vient dans l’actualité Neuilly est montré du doigt. Avec 4% de logements sociaux la ville compte effectivement parmi celles les plus en retard. Pour autant j’essaie à chaque fois – dans chaque débat – d’en expliquer les raisons et de proposer des nouvelles pistes qui devraient inspirer une réforme de la loi SRU. Les raisons (dans une commune comme la mienne) tiennent à deux phénomènes : l’absence de foncier et le coût des opérations. Le 1er point est fondamental. La ville compte parmi les plus denses d’IIle de France et n’a pas un seul m² de disponible ni aucune zone de renouvellement urbain. Il ne reste par conséquence pour faire du logement social que le levier de la préemption. Ce levier n’est cependant applicable qu’en cas de vente correspondant aux critères du logement social. La ville est donc tributaire des perspectives de marché et des ventes d’immeubles sur la commune. C’est la raison pour laquelle il m’est quasiment impossible de m’inscrire dans un projet de moyen ou long terme. La 2ème raison tient à la faisabilité de la préemption car les évaluations sont souvent incompatibles avec les niveaux d’intervention financière des bailleurs sociaux. Les collectivités mobilisent des subventions qui, dans un cas sur deux, ne sont pas suffisantes pour garantir l’équilibre économique des opérations. La seule solution consiste donc à convaincre les bailleurs sociaux de mobiliser une partie de leurs fonds propres dans les opérations. C’est la raison pour laquelle quand j’entends le candidat du PS proposer de multiplier par 5 les pénalités au titre de la loi SRU, je m’étonne qu’il ne considère pas davantage des réalités foncières incontournables ! Pour autant il y a des pistes intéressantes à explorer … :
La première concerne la transparence des attributions; nous gagnerions à ce que les attributions soient plus « collégiales » et qu’elles se fassent, à la fois sur des critères connus de tous, et adaptés aux besoins/aux caractéristiques spécifiques des territoires. La seconde concerne le turnover dans les logements sociaux; il n’est pas normal qu’un logement soit attribué quasiment pour la vie et que les évolutions des situations économique et familiale des bénéficiaires ne permettent pas de remettre en cause cet avantage au profit de ceux qui en ont le plus besoin. C’est particulièrement vrai dans les zones les plus tendues. La troisième concerne la territorialité de la loi SRU; on aurait réellement intérêt à ce que cette question soit traitée dans un périmètre plus large que celui de la commune afin de se doter davantage de leviers d’intervention et de mutualiser nos moyens d’action. La quatrième piste concerne la comptabilisation des logements; je ne comprends pas pourquoi on ne comptabilise pas les surfaces plutôt que les logements; cela inciterait les villes à proposer des solutions pour les familles au lieu de multiplier les petites surfaces pour « faire du chiffre ». Enfin je pense que nous devrions traiter ce sujet dans un schéma plus global d’aménagement du territoire car le problème tient en grande partie à un phénomène de concentration des habitants dans des métropoles qui n’offrent plus d’emplois aux populations à faible qualification. On gagnerait à réconcilier les approches économiques et sociales dans des configurations territoriales autonomes et élargies.
Tout le monde devrait avoir sur sa table de chevet le livre de Michel Godet « Le courage du Bon Sens ». Au-delà de ce livre qui comprend des réflexions intéressantes mais nécessairement limitées par le nombre de pages, il faut repenser complètement la question du logement social mais en amont c’est à dire prendre les problèmes à la racine; car si l’on ne tarit pas les problèmes à la source, on aura beau continuer de construire, on ne résoudra rien. A commencer par une analyse sans concession (ni surenchère) sur le parc social, sa composition, sa situation, son taux d’occupation, les publics occupants, les publics demandeurs, l’endroit où travaillent ces personnes, son pourcentage d’impayés, les problèmes de gestion de ces ensembles….(Quels sont les hommes politiques qui parlent du logement social génaralement dans des logiques du type Ya Qu’à/Faut qu’on…) Mais également -et en même temps se poser la question des concentrations urbaines. Le Grand Paris n’a du sens que pour rattraper le retard d’investissement depuis 40 ans et corriger certains choix désastreux réalisés au cours de ces décennies. Mais le grand Paris pour hypertrophier davantage une ville dans laquelle on vit déjà mal à 11,5 millions d’habitants, non merci. Et les arguments tenants à la nécessité de grandir ne tiennent pas davantage. L’Allemagne dont nous entendons beaucoup parler -et pas toujours à bon escient car il ne s’agit pas de copier ce que fait l’Allemagne qui a fait ce qu’elle devait faire en fonction de ses propres paramètres- n’a pas de très grandes villes (Berlin excepté mais depuis peu et pour les raisons que nous connaissons). Et si nous faisons grandir encore plus Paris, cela fera venir encore davantage de monde de l’extérieur mais cela ne règlera pas les problèmes actuels de toutes les banlieues qui entourent Paris (et d’une partie des populations de certains arrondissements parisiens) qui est qu’il n’y a pas dans cette agglomération d’adéquation entre l’activité économique qui s’y exerce et les qualifications d’une majorité de demandeurs d’emplois. Et comme essaient trop souvent de nous le faire croire ceux qui n’ont plus aucune idée pratique ou qui sont trop éloignés des réalités, ce n’est pas une question d’absence de moyens pour former les chômeurs. Nous en connaissons qui sur 4 ans vont de formation en formation mais ne trouve pas d’emplois. Nous devons conserver des emplois adaptés aux personnes les moins qualifiées. Et ceci n’est possible que dans des structures ou la taille humaine de la cité ou du territoire font que la dimension humaine du service a encore un sens Dans nos grandes métropôles, les automatismes, les systèmes ultra perfectionnés ont remplacé les personnes. Il ne s’agit pas de revenir à la lampe à huile ou au poinsonneur du métro, mais de trouver un juste équilibre entre modernité et humanité. Et il me semble que cela n’est possible que dans des territoires ressérés au sein desquels le partage d’une culture commune permet de mieux comprendre et donc de répondre aux problèmes des populations. La question des jeunes (et moins jeunes) qui travaillent dans des territoires ou la spéculation les empêche de se loger (montagne, bords de mer notamment) et où il n’y a pas forcément d’OPAC ou d’ESH doit également trouver une solution par exemple par l’édification de parcs locatifs ou à la vente réservés aux personnes de la commune (avec diverses clauses concernant le maintien dans les lieux ou la revente). Beaucoup de pistes à explorer pour autant que l’on ait la volonté de résoudre les problèmes, ce qui nécessitera aussi de s’affranchir parfois du « politiquement correct ». C’est ça aussi le courage du bon sens.
Puisqu’il faut être juste, il serait donc juste de considérer que votre argumentation n’est pas fallacieuse et il serait injuste de la balayer d’un revers de main au prétexte que Neuilly serait un symbole à abattre
Par ailleurs, d’autres méthodes dans l’attribution des logements sociaux seraient effectivement une bonne chose pour éviter la désastreuse suspicion qui devise et amène toutes sortes de dérives.
Une illustration pour la 2ème piste extraite du rapport « Repenser la politique familiale » de Michel Godet publié par l’Institut Montaigne : « libérer les logements sociaux occupés par des retraités qui, par ailleurs, sont propriétaires d’une résidence secondaire »