Contribution des collectivités au redressement budgétaire : Des contrats négociés plutôt que des obligations imposés …

Publié dans La Gazette des Communes du 25 octobre

La participation des collectivités locales à l’effort de redressement des comptes publics, au-delà des montants et de leur justification, pose un problème de méthode. A la différence de l’État qui s’inscrit dans le temps court, les collectivités s’inscrivent dans le temps long, en témoigne leur forte contribution aux investissements publics. Or, investir appelle de la visibilité, de la prévisibilité et de la stabilité. C’est vrai dans tous les systèmes économiques. La temporalité de gestion d’un État déficitaire est par nature court-termiste. La temporalité de gestion d’une collectivité qui investit s’inscrit quant à elle sur le moyen et long terme. L’un est indexé sur les marchés financiers, l’autre est indexé sur les projets.

C’est pour cette raison que l’oukase budgétaire, sans évoquer ici son bien-fondé, appelle néanmoins une approche différente de celle imposée en Loi de finances. La critique vaut aussi pour la proposition du rapport Woerth qui proposait, dans un « couloir de recettes », de corréler la gestion de l’État à celle des collectivités locales via un mécanisme d’ajustement.

Une approche moderne et respectueuse des temporalités de chacun, amène vers une méthode plus contractuelle. D’une manière générale, poser un cadre de négociations pluriannuelles entre les collectivités et l’État, résoudrait bien des problèmes, mais dans le cas précis d’une participation à l’effort de redressement des comptes publics, le changement de méthode s’impose.

La loi de finances, dans toute sa rudesse, et dans l’effervescence d’un débat plus politicien que politique, exige des collectivités un effort d’au moins 5 milliards d’EUR. Cet effort est basé sur l’activation de différents mécanismes de prélèvement sur ressources, de remboursement du FCTVA, de gel des dynamiques de TVA ou de désindexation des DGF à l’inflation. Cette approche prive les collectivités de la stabilité dont elles ont besoin avec comme conséquence un ajustement probable sur leurs investissements.

Une autre méthode serait d’inscrire cette contribution dans une négociation contractuelle et pluriannuelle avec chacun des 450 collectivités concernées. Les Préfets, sous-préfets et leurs secrétaires généraux mèneraient les discussions en activant trois variables :

La 1ère porterait sur la temporalité de l’effort, entre un et quatre ans, correspondant à l’échéance du Pacte de stabilité dont l’État bénéficie de la part de l’Europe. Le délais accordés aux collectivités seraient compensés par un « coefficient d’étalement » inversement proportionnel à la durée de l’effort. Il pourrait varier de 0,8 (80% de l’effort) s’il s’effectue sur un an, jusqu’à 1,2 (120% de l’effort) s’il se déploie sur quatre ans.

La 2ème variable concernerait le choix des mécanismes afin de permettre à une collectivité de bouger le curseur entre la part des prélèvements sur recettes et celle de la baisse du FCTVA. Une collectivité dont la perspective d’investissement est plus ambitieuse préfèrera sanctuariser ses recettes plutôt que de les voir diminuer de 2%. Pour un investisseur, chaque Euro de recette génère un effet de levier sur sa capacité d’emprunt et sur ses investissements. Ce prélèvement est aussi contre-productif pour l’État puisqu’il génère de fait une baisse de ses recettes de TVA. France Urbaine estime qu’une baisse de 2% des recettes a un impact de 20% sur l’épargne brute. D’autres collectivités, moins concernées, préféreraient l’inverse compte-tenu de leurs choix de gestion

La 3ème variable porte sur l’utilisation des fonds prélevés. Ils pourraient faire l’objet d’une restitution partielle aux collectivités sur la base de critères prioritaires négociés entre chacune d’elles et l’État. Quelle serait la logique d’une contribution supplémentaire d’une collectivité quand parallèlement celle-ci doit augmenter des dépenses sur des compétences étatiques, non financées, non compensées … ?

Après négociations, ces différentes variables feraient l’objet d’une consolidation nationale, voire d’un ajustement afin de respecter les engagements de l’État en Loi de finances.

 

Ces efforts ouvrent également la question d’un traitement plus équitable des collectivités. Les débats sur les critères de bonne ou mauvaise gestion sont parfois un peu baroques. Trois négociations mériteraient d’être ouvertes :

Dans le cas précis de l’effort de redressement, une correction devrait être portée sur la taille des collectivités concernées : On peut être petit et en bonne santé, ou grand et en mauvaise santé. L’assiette de l’effort est calculée sur un seuil qui ne reflète en rien les capacités contributives des acteurs, autrement qu’en valeur absolue. Ce biais est d’autant plus fort si les fonds de réserve viennent abonder des fonds de péréquation car les mêmes paieraient une deuxième fois. L’assiette proposée ne concerne que 40% des recettes des collectivités.

Un autre chantier devrait être ouvert rapidement sur les critères de répartition de la péréquation. Les calculs basés sur des moyennes n’indiquent, ni la réalité des capacités contributives, ni celle des besoins, ni celle des efforts. Un calcul basé sur des médians qui prennent en compte le seuil d’atteinte d’un bouquet de services publics permettrait de gérer ces transferts, plus équitablement vis-à-vis des populations, et vers plus de solidarité.

Enfin une pondération de la péréquation pourrait être travaillée sur la base d’une évaluation précise et budgétaire des dépenses réalisées par les collectivités – et non compensées -, relevant des compétences de l’État. La péréquation passe aussi par là …

 

L’effort ne vaut que s’il porte en germe des perspectives positives. En proposant à l’État d’ouvrir des négociations avec les collectivités pour adapter l’effort à leurs priorités, il initierait une nouvelle méthode ; il prioriserait les investissements ; il ouvrirait une trajectoire de confiance dont chacun reconnait qu’elle s’est fortement dégradée au fil des années.

 

 

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