Analyse de mon dernier livre dans la revue Pouvoirs locaux

Pouvoirs Locaux – novembre 2019 – par Arnaud Gabardos –

Jean Christophe Fromantin est, depuis 2008, maire de Neuilly-sur-Seine. Il a été Conseiller général des Hauts-de-Seine en 2011 avant d’être élu député en 2012. Très investi sur les questions liées aux territoires, il défend notamment la nécessité de repenser le modèle territorial français pour mieux aborder les enjeux de la mondialisation et enclencher une série de réformes structurelles dont la France a besoin. Il appelle également une refonte de l’organisation de l’État pour une meilleure efficience de la politique et des dépenses publiques. Chef d’entreprise, Jean-Christophe Fromantin est un entrepreneur, engagé sur les questions économiques et de mondialisation. Fort de ces expériences d’élu et de chef d’entreprise il a publié plusieurs essais liés à l’aménagement du territoire : Mon village dans un monde global : la place de la France dans la mondialisation (Bourin Éditeur, 2011), Le Temps des territoires (Bourin Éditeur, 2012), ou encore La France réconciliée (Éditions de l’Archipel, 2014). Le soir du premier tour des régionales, le 6 décembre 2015, il annonce son départ de l’UDI. Déçu du système politique et des partis, il affirme la nécessité de renouveler la classe politique par la société civile au sein des territoires et monte une plateforme internet « 577.fr » visant à réunir 577 candidats pour les élections législatives de 2017. Il publie ainsi, en mai 2017, un ouvrage expliquant la démarche : « 2017, Et si c’était vous ? » aux Éditions Michel Lafon.

Le progrès : la métropolisation ? Jean-Christophe Fromantin dresse d’abord le portrait de notre société : tout en paradoxes, nos comportements ne seraient pas en adéquation avec nos aspirations. Il constate que progressivement notre vie se construit « hors sol », l’innovation nous éloigne de la nature et des uns les autres. Si tous ces paradoxes prospèrent, une série d’impasses dont deux majeures menaceraient : Une impasse politique. Il faut un projet et une vision politique qui permettent de réinterroger l’idée de progrès et de positionner l’innovation là où elle doit être « un moyen d’action au service du bien commun ». Une impasse géographique ou sociogéographique. Pour l’auteur, notre avenir se dessine autour d’une métropolisation du monde qui conduira inévitablement à l’abandon de nombreux territoires. Les territoires soulèvent de nombreux défis qui tiennent à leurs aspérités naturelles et qui ont été à l’origine de nombreuses innovations. « En désertant les territoires dont la géographie soulève un certain nombre de difficultés, on renonce non seulement à nos atouts mais aussi a trouvé les solutions les plus modernes qui permettraient de lever ces contraintes ».

Ce phénomène de métropolisation contribue à la propagation d’une société standardisée et déterritorialisée. Dans cet essai, le maire de Neuilly-sur-Seine met en avant la notion de bonheur, notion rare dans un essai politique, et d’autant plus sous la plume d’un élu de la République. Aristote nous dit pourtant que « le bonheur consiste dans un état de satisfaction totale, qui est la fin naturelle et ultime de l’homme, ce grâce à quoi il se réalise, s’épanouit » (Aristote, Éthique à Nicomaque, I, 5). Pour Aristote, la finalité propre du politique, c’est le Bonheur (Aristote, le Politique, I, 2). À travers cet essai, l’auteur veut tendre vers cet idéal aristotélicien : le politique doit établir un projet pour rendre le Bonheur aux citoyens. Albert Camus quant à lui, nous rappelle à quel point la nature est essentielle pour notre bonheur. Pour Jean- Christophe Fromantin « le bonheur est intimement lié à la qualité de la relation que nous développons avec la nature et c’est pourquoi le progrès ne peut s’opposer à elle ». Il identifie trois facteurs qui conditionnent le bonheur parmi lesquels pouvoir vivre là où l’on désire vivre, pouvoir vivre d’un travail qui nous donne un sentiment d’utilité, qui représente notre contribution à la société et enfin notre contribution à un projet collectif, représentée par nos relations sociales, par la société dans laquelle nous évoluons. À suivre son exposé, ces trois facteurs propices au bonheur sont aujourd’hui fortement dégradés en raison de l’évolution de notre société vers la métropolisation notamment. Son analyse rejoint en cela de nombreux chercheurs tel que le géographe Guillaume Faburel, auteur de l’ouvrage Les métropoles barbares. Démondialiser la ville, désurbaniser la terre mai 2018, Librairie Eyrolles, qui constate que le modèle de la métropole ne fonctionne pas. D’après lui, il faut changer de références et de lunettes et réfléchir aux alternatives déjà parfois présentes dans les périphéries pour, à l’inverse, les faire ruisseler vers le centre. La métropolisation est le fruit de l’ère industrielle. Les métropoles sont devenues une configuration idéale pour suivre, maîtriser et encadrer nos modes de vies. En effet, au cours de l’histoire, l’humanité a recherché le meilleur compromis entre une qualité de vie et le besoin de travailler. Mais le travail a toujours primé dans ce choix. L’homme vit là où le travail l’entraîne. C’est encore vrai aujourd’hui. Les experts estiment que d’ici 2030 près de 70 % de la population vivra dans des villes. Certains considèrent ce « tout métropole » comme inéluctable. Toutefois, pour l’auteur, si les métropoles continuent à aspirer les territoires, alors l’humanité finira par se trouver dans une impasse.

Jean-Christophe Fromantin fait le constat que cette métropolisation conduit à une ségrégation et une désertification des territoires. Les métropoles conduiraient à l’isolement et à l’individualisation, une affirmation à relier à l’encyclique Laudato sidu Pape François qui évoque le relativisme pratique en ces termes : « quand l’être humain se met lui-même au centre, il finit par donner priorité absolue à ses intérêts de circonstances ». Il en ressort la conviction que notre société a glissé progressivement – notamment en raison de l’absence d’une vision politique – vers une métropolisation qui oublie les territoires, les exclut et finit par isoler les individus eux-mêmes dans un monde standardisé, contrôlé et maîtrisé par les géants d’internet. La crise des gilets jaunes tend à conforter cette analyse. Nombre d’individus qui ont pris part à ce mouvement se sentaient isolés, exclus, abandonnés par la puissance publique, soit parce qu’ils vivent dans les périphéries des grandes villes — la métropole isole en son sein même -, soit parce qu’ils se trouvent dans des territoires ruraux dont les ressources ont aussi été absorbées par les métropoles. On retrouve là la « France périphérique » que dénonce le géographe Christophe Guilly (La France périphérique, Éditions Champs, septembre 2015). Toutefois, l’auteur défend l’idée que l’innovation peut conduire au bonheur dès lors qu’elle est mise au service du bien commun. Il suffit de trouver l’équilibre. Territoires et innovation : la recette du Bonheur? Jean-Christophe Fromantin identifie trois facteurs nécessaires à la création d’un nouvel équilibre territorial. Tout d’abord, le facteur sociologique lié à l’aspiration de chacun de choisir son mode de vie. Le second facteur tiendrait à ce que les technologies peuvent permettre d’emmener le travail et la consommation là où nous vivons. Enfin, le troisième facteur dépend d’une diversité culturelle et territoriale. Pour l’auteur, il est possible de parvenir à un compromis entre le bien-être, l’activité économique, la qualité de soin et l’environnement. Cela passe par le progrès et l’innovation : « une bonne liaison numérique permet de pallier une grande partie l’écart entre les services accessibles en Ile-de-France et dans le Limousin ». Le développement de la télémédecine par exemple permet d’améliorer l’offre de soin qui est un facteur essentiel de bien-être. Des nouveaux dispositifs auront sûrement raison des déserts médicaux dans les années à venir. La pharmacie de la ville ou du quartier assurera un certain nombre d’actes médicaux basiques.

 

L’innovation est censée permettre à chacun de vivre là où il le désire tout en ayant la qualité des services existants dans les espaces métropolitains : « cette recherche de bien-être doit inspirer le projet de notre société ». Par exemple, l’innovation permet de dissocier entreprise et lieu de résidence grâce à la qualité des connexions mise en place depuis les espaces de coworking. Ainsi, affirme l’auteur, pourra-t-on dans le futur choisir là où l’on veut vivre sans tenir compte du critère « travail ». Toutefois, si ces solutions semblent de bonnes idées, leur mise en œuvre pourrait s’avérer plus compliquée. Certains territoires restent difficiles d’accès et les entreprises qui recherchent avant tout le profit, peuvent décider de ne pas investir dans des territoires jugés peu rentables. « Le numérique permet d’établir à distance une grande partie des déplacements qui étaient jusqu’à ce jour indispensables ». Les technologies bouleversent effectivement les notions d’espaces et de temps. Ces innovations vont, selon l’auteur, permettre de nous « libérer de la densification urbaine que de nombreux usages nous imposaient jusqu’à présent ». Toutefois, l’innovation crée aussi des inégalités, et il est probable que certaines personnes se retrouvent à devoir vivre là où elles trouveront du travail, du fait de certaines difficultés sociales ou économiques, si on ne répond pas à ces inégalités.

L’auteur met en exergue le fait de redistribuer l’économie. Les technologies permettront de valoriser les atouts de chaque territoire de notre planète. Une économie moderne n’existera que par les efforts conjugués de différenciation et de spécialisation au cœur de tous les territoires. Le tourisme est une opportunité pour accélérer cette perspective de reterritorialisation de notre économie entraînant une spécialisation des territoires sur ce qu’ils font de mieux. Pour Jean-Christophe Fromantin, le potentiel de travail qui existe dans les territoires mérite d’être davantage exploré afin d’en extraire toutes les richesses. « En imaginant une nouvelle géographie du progrès qui passe par un redéploiement des populations là où chacun souhaite vivre, plutôt que par le seul prisme de la concentration urbaine, là où il est question de notre épanouissement au contact des autres ». L’auteur soulève ici le problème de l’isolement engendré par l’innovation et l’utilisation des nouvelles technologies. Les relations de proximité, d’amitié et de solidarité sont toutes aussi importantes. C’est dans la diversité que les relations sociales se créent. Grâce à l’innovation, le village, la ville, pourraient devenir l’espace d’un projet partagé par ceux qui aspirent à une même qualité de vie. C’est de cette manière que, pour l’auteur, l’hospitalité se réinventera.

Permettre a chacun de vivre là où il le souhaite Pour permettre aux Français de se reconnecter avec la nature, de pouvoir choisir de vivre ou ils désirent en fonction de leurs priorités, de retrouver le bonheur, Jean- Christophe Fromatin propose ici quatre grandes orientations politiques. Il propose d’abord de reconnaître et de protéger le patrimoine et la culture de nos territoires, qui sont pour lui les racines de notre Nation dans lesquelles chacun peut puiser sa stabilité. Ensuite, il théorise une réorganisation des territoires et une réforme institutionnelle d’envergure, basées sur deux couples : région-métropole et ville moyenne intercommunalité. L’aménagement du territoire s’opérant autour de ces deux pôles qui sont interconnectés, chaque échelon ayant un rôle défini. Cette proposition ambitieuse, permettrait d’avoir un niveau « local », au plus près des citoyens répondant à leurs attentes du quotidien et un niveau « régional » permettant de faire la connexion avec un monde de plus en plus globalisé. L’auteur avançant l’idée que chaque partie du territoire devrait se trouver à un quart d’heure maximum d’une ville moyenne et à 1 h 30 maximum d’une métropole. Jean-Christophe Fromantin propose également de mettre en place un grand plan de financement qui soit « vaste et ambitieux pour remettre la France à niveau ». Ainsi ces investissements se feraient par une mobilisation convergente des Français, des entreprises des collectivités territoriales et de l’État autour de ce grand projet. Cette proposition aurait le mérite de fédérer les Français autour d’un projet commun, qui fait actuellement défaut. Enfin, l’auteur propose de territorialiser le retour à l’emploi, et de régionaliser le SMIC ce qui permettrait de tenir compte du niveau de vie de chaque territoire. L’idée étant de rapprocher la solidarité et le social des citoyens. La solidarité pour être concrète et tangible doit être réalisée au niveau local. Jean-Christophe Fromantin dresse, dans cet essai, un portrait de notre société, qui tend de plus en plus vers la métropolisation, induisant une individualisation des comportements. Pour lui, cette métropolisation ne peut que nous conduire dans une impasse, en coupant les citoyens de leurs aspirations profondes, en les coupant de la nature. Il propose de repenser l’organisation territoriale de la France pour lui permettre de mieux répondre à la mondialisation, de reconnecter les Français à leurs aspirations, mais aussi à leurs territoires et a fortiori à leurs concitoyens. Cet essai politique permet d’imaginer une France plus belle, plus forte, plus responsable et plus solidaire. L’influence chrétienne est prégnante dans cet ouvrage et l’auteur – chose rare sous une signature politique – met en avant la notion de bonheur. Il formule quatre propositions qui pourraient être à la base d’un programme politique pour la présidentielle, afin de permettre aux Français d’être heureux, en travaillant là où ils veulent vivre.

L’innovation est censée permettre à chacun de vivre là où il le désire tout en ayant la qualité des services existants dans les espaces métropolitains : « cette recherche de bien-être doit inspirer le projet de notre société ». L’auteur propose de territorialiser le retour à l’emploi, et de régionaliser le SMIC ce qui permettrait de tenir compte du niveau de vie de chaque territoire. L’idée étant de rapprocher la solidarité et le social des citoyens. La solidarité pour être concrète et tangible doit être réalisée au niveau local.

 

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