Ancien député, le maire centriste de Neuilly-sur-Seine estime que le Président doit faire lui-même la lumière sur une affaire qui altère son ambition de probité et de renouvellement politique.
Au delà des détails de l’enquête quel est l’impact symbolique et moral de l’affaire Benalla ?
Pour comprendre l’impact probable de cette affaire il est important de considérer le climat toujours fragile de la confiance en France. Le dernier baromètre du CEVIPOF (janvier 2008) montre que la défiance vis-à-vis des acteurs politiques et de l’institution présidentielle reste très forte, y compris depuis l’élection d’Emmanuel Macron. L’impact symbolique risque donc d’être significatif car les Français doutent toujours.
Ce baromètre indique aussi que les Français sont partagés entre deux conceptions du pouvoir : une conception verticale et une conception horizontale. Les milieux les plus favorisés, souvent de la droite et du centre, privilégient la verticalité, alors que les milieux plus populaires sont enclins à rechercher le consensus et optent pour davantage d’horizontalité. Or, cette affaire incarne une dérive de la verticalité dans ce qu’elle représente de plus symbolique : l’usage des pouvoirs de police au plus haut niveau de l’État. Aussi, le spectre de la crise peut être large, car il conforte les populistes dans leur défiance vis-à-vis des élites et fait douter ceux pour lesquels le nouveau Président incarne un équilibre entre détermination, libéralisme et probité.
Cette crise se nourrit légitimement des engagements moraux d’Emmanuel Macron pour une nouvelle pratique du pouvoir. Au début de son quinquennat, pour d’autres raisons, Nicolas Sarkozy avait déçu à cause des incohérences entre « le candidat de la rupture » et une pratique débridée du pouvoir. Les Français lui ont rapidement retiré sa confiance. Emmanuel Macron doit gérer cette défiance et démontrer, dans les circonstances actuelles, la cohérence entre son discours et ses actes, sinon le décrochage sera rapide et radical. Cette actualité révèle aussi la faiblesse de son entourage politique pour rassurer l’opinion dans un contexte de tension. Le Premier ministre, le chef du parti et les ténors du Gouvernement n’impriment pas. Est-ce le fait d’une présidence solitaire ou d’un casting en manque de réelles personnalités politiques ? La question est ouverte.
Comprenez-vous la réaction des parlementaires de l’opposition qui ont voulu suspendre leurs travaux ?
Pour tous les parlementaires, comme pour le Gouvernement, il est difficile de débattre sereinement dans une actualité aussi brulante. Le recul qu’exige le travail législatif, en particulier dans un exercice (nécessaire) de refonte de notre organisation institutionnelle n’est pas compatible avec la tension médiatique actuelle. D’autant que les partis d’opposition occupent l’espace laissé libre par la majorité et en usent très largement. C’est au Gouvernement, et en particulier au Premier ministre de prendre l’initiative, de créer les conditions d’un débat apaisé et d’être mobilisé pour répondre à toutes les questions posées. Une intervention devant les parlementaires, plutôt que de suivre le Tour de France, aurait permis de faire baisser la pression. Je note avec satisfaction que les débats sont suspendus.
Que dit cette affaire de l’exercice du pouvoir selon Emmanuel Macron ?
Passer d’un monde à l’autre n’est pas si facile, surtout pour quelqu’un qui a émergé des structures technocratiques traditionnelles. On pourra pardonner à Emmanuel Macron de s’être trompé sur le choix d’un collaborateur, en revanche on attend de lui qu’il tire toutes les leçons de cette affaire pour rompre définitivement avec des scories d’une autre époque. Depuis des années, au plus haut niveau de l’État, des affaires ont défrayé l’actualité politico-judiciaire. Peu d’entre elles ont prospéré. Cela montre la complexité des systèmes, l’influence des réseaux, et l’audace de « professionnels » prêts à tout pour avoir le pouvoir. Je ne crois pas que l’affaire en cours procède de ces « systèmes ». Mais elle est symbolique. C’est la raison pour laquelle il appartient au Président de la République de la traiter personnellement avec l’autorité que confère sa fonction et avec la même résonance que celle dont il a usé dans d’autres circonstances pour recadrer des comportements moins graves. Ce serait de mon point de vue une erreur de miser sur la trêve estivale, sur le temps qui passe et sur la justice pour s’affranchir d’une explication franche, en vérité. Emmanuel Macron doit saisir l’occasion pour rassurer les Français. Son exigence de probité l’oblige, d’autant plus que les protagonistes de cette affaire sont dans l’antre du pouvoir. La manière dont le Président tirera les enseignements de cette crise révèlera la sincérité de toute sa démarche et sa réelle modernité.
Samuel Pruvot
Retrouver l’interview sur le site internet de Famille Chrétienne
Cette analyse remarquable, comme l’excellente intervention de M. Lagarde, soutient l’union nécessaire du centre droit et de toutes les forces de droite contre l’anarchie Macronienne.