Les élections présidentielles ont mis au grand jour un appel de détresse ; celui de millions de Français qui se sentent abandonnés. Ceux dont les territoires ne semblent plus intéresser nos élites. La fracture est ouverte entre une France des métropoles qui concentre toutes les attentions et une France des territoires, dont on constate le déclin démographique, l’assèchement culturel et les difficultés économiques.
Et pourtant, cette « France oubliée » est un enjeu pour tous les Français ; car c’est celle dont on a besoin pour construire une prospérité durable. Si nous persistons à oublier cette France, nous vivrons trois crises :
- Une crise d’identité, car le visage de la France est composé de tous ses territoires, dans la diversité de leurs atouts, avec une richesse exceptionnelle de cultures, de savoir-faire, de paysages et d’intelligence.
- Une crise sociale, car c’est au cœur de nos territoires, dans le partage d’un patrimoine et d’un projet, que se forgent un sentiment d’appartenance, une solidarité authentique, une vie de famille plus apaisée et un lien de confiance sans équivalent.
- Une crise économique, car nos principaux avantages comparatifs sont indissociables de nos singularités territoriales et culturelles. Nos filières économiques trouvent toutes leur inspiration dans ces spécificités. Nos territoires sont le socle du rayonnement et du développement de la France dans le monde.
Ce serait une erreur grave de penser qu’il existe un nouveau modèle qui se résumerait à quelques métropoles connectées entre elles. La France n’est pas un pays dont le développement se cristalliserait au sein de métropoles économiquement et socialement exclusives ; elle est un pays qui, fort d’un héritage et de multiples atouts, appelle à ce que nos grandes villes s’articulent intelligemment avec tous nos territoires, pour les compléter, les valoriser et les connecter avec le reste du monde.
Aussi, s’il est une politique qu’il faut réengager avec détermination c’est celle de la reconquête des territoires ; pour donner un nouveau souffle à la France ; pour fertiliser nos atouts ; pour ne pas se résigner à s’agglutiner dans quelques métropoles standardisées, dont le patrimoine se réduirait à une vocation muséale. La désertification des campagnes, la disqualification des villes moyennes et la désindustrialisation de la France deviendraient alors le triste legs d’une génération sans ambitions qui aura fait de la France un pays « comme les autres ».
Cette reconquête des territoires passe par une grande politique nationale autour de deux volets stratégiques : l’organisation territoriale et l’aménagement du territoire.
Notre vieux modèle centralisée et sur-administrée, issu de la Révolution, qui a été un atout indéniable pendant les années de révolution industrielle et de fordisme, s’avère être un frein considérable à son adaptation à une économie qui repose aujourd’hui sur les mobilités, l’entrepreneuriat et la différenciation. Les effets sont désastreux. Il est urgent de moderniser la gouvernance des territoires, de leur laisser davantage d’autonomie pour qu’ils mènent des politiques publiques au plus près de leurs projets.
Nous devons simplifier l’organisation territoriale : en favorisant les fusions entre communes pour améliorer leur taille critique ; en renforçant le rôle pivot des 450 villes moyennes pour déployer plus équitablement les politiques de proximité ; en développant davantage le pouvoir économique des grandes régions pour relancer une politique de développement.
Nous devons fondre le Sénat et le Conseil Economique Social et Environnemental en une Assemblée des territoires pour donner à ceux qui agissent localement un vrai pouvoir sur les politiques nationales.
Nous devons territorialiser une grande partie de nos politiques publiques et donner plus d’autonomie aux acteurs de l’enseignement, de la formation, de l’emploi, de l’action sociale et de la santé.
L’aménagement du territoire doit redevenir une option stratégique. Nous l’avons négligé pendant 30 ans en prenant des décisions erratiques, sans vision ni cohérence. Il s’agit maintenant de repenser le schéma des mobilités à l’aune de cinq objectifs :
- Faire en sorte que tous les Français soient à moins de 20’ d’une ville moyenne pour qu’ils accèdent équitablement aux services de proximité
- Positionner nos villes moyennes à moins d’1h30 des métropoles-pivots pour ne laisser aucun territoire dans l’angle mort des dynamiques de développement
- Connecter nos métropoles avec le monde pour qu’elles jouent pleinement leur rôle d’interfaces
- Relier nos territoires avec les sept grands ports maritimes français pour mettre nos entreprises en relation avec les marchés mondiaux et faciliter la réindustrialisation.
- Achever une politique de connexion numérique pour permettre à tous les territoires de profiter de l’effet d’accélération et de désenclavement des technologies.
En rapprochant la connaissance et la créativité de chaque territoire on ouvrira des perspectives d’évolution ou de reconversion pour l’ensemble des secteurs industriels, artisanaux ou agricoles, on stimulera les circuits courts qui sont de véritables leviers d’apprentissage pour les secteurs productifs et on redéployera la valeur ajoutée sur l’ensemble du pays.
Un tel élan implique une nouvelle politique financière. Nous devons développer une fiscalité qui stimule davantage l’investissement, réinventer les bourses régionales afin d’orienter une partie de l’épargne des Français vers les initiatives publiques ou privées qui contribuent au développement de leurs territoires, lancer un grand emprunt de 80 milliards d’EUR pour investir dans les infrastructures de mobilité, valoriser notre patrimoine culturel et achever l’installation d’un réseau numérique national.
Monsieur le Président de la République, faites de votre quinquennat celui de la reconquête des territoires ; lancez une politique audacieuse de décentralisation et d’aménagement du territoire ; allez au devant des Français des territoires oubliés pour leur redonner confiance.
Notre pays est riche de ses talents et de ses territoires. Retrouvons notre capacité d’émerveillement pour faire à nouveau de la France une perspective d’espérance.
Entièrement d’accord avec vos propos, Monsieur Fromantin.
Hors que je ne partage pas le constat consécutif à l’élection et à la France des oubliés (Bordeaux comme Lyon arrivent à drainer et irriguer des territoires ruraux en emplois et créations d’enteeprises ultra locales), j’adhère au discours et à l’absolue nécessité :
– d’autonomie territoriale (les allemands nous montrent que cela fonctionne)
– de simplification des organisations…
– de connections nationales et internationales
La réforme est capitale mais ne se heurte t-elle pas à l’inertie du système et aux intérêts des personnes?
La conclusion m’interpelle : audace et entreprenariat ! Oui. A tous les étages?