On vous voit davantage comme une personnalité en dehors des clous en politique : issu de la société civile, vous vous démarquez davantage par la proposition, par les idées concrètes plutôt que par les logiques politiciennes. Pour autant, cette attitude n’a pas porté ses fruits. Comment résoudre / gérez-vous cette position ?
Au contraire, c’est avec ce positionnement libre et éloigné des constructions politiciennes, que j’ai été élu à la fois maire et parlementaire. Jusqu’à présent cela m’a plutôt servi … Et c’est logique, car mon engagement politique part du même constat que celui des 90% de Français qui disent ne plus faire confiance aux hommes politiques, ni aux partis traditionnels. Je ne supporte plus ce langage démagogique, ces attaques personnelles, cette critique systématique et l’absence de vision qui caractérise le débat politique. Je n’ai pas envie d’être un homme politique comme les autres. J’ai envie d’entreprendre pour ma ville, pour mon pays, d’oser, de réformer, de réinventer, de renverser la table s’il le faut, mais surtout pas de m’installer dans le confort d’une carrière politique.
La réforme territoriale, dont vous avez récemment vilipendé le 3ème volet à l’Assemblée, rend les futures responsabilités des élus des départementales un peu floues. Selon vous, quels sont alors les vrais enjeux de ces élections ?
Avec la réforme territoriale nous avions une occasion formidable de bâtir la France de demain : en créant de nouvelles régions autour de quelques métropoles ouvertes sur le monde ; en structurant la France autour de 500 villes moyennes pour offrir à chacun le bouquet de services publics auquel il peut légitimement prétendre ; en proposant une nouvelle carte des mobilités et de l’aménagement du territoire ; et en lançant une grande réforme de l’organisation de l’Etat. Plutôt que d’adapter la France aux nouveaux défis, on a bricolé en maintenant toutes les épaisseurs du millefeuille territorial. Les départements sont une échelle qui se justifiait sans doute à la fin du XVIIIème siècle mais qui peine aujourd’hui à trouver sa place dans une nouvelle ambition territoriale. C’est la raison pour laquelle l’intérêt de cette élection échappe de plus en plus au Français. Du coup, le véritable enjeu sera sans doute dans la lecture des résultats et dans les enseignements que l’on tirera des messages politiques que les Français vont adresser.
D’aucuns estiment qu’après la réforme territoriale, la réforme du système de Santé s’inscrit dans une recentralisation. Partagez-vous cette analyse ?
La réforme de la santé s’inscrit indiscutablement dans un processus d’Etatisation. Par les effets conjugués de la généralisation du tiers payant – qui va soumettre l’exercice libéral de la médecine à un système de financement institutionnalisé –, du renforcement du rôle des agences régionales de santé – qui prive les collectivités locales de leur rôle d’organisateur d’un dispositif territorial de parcours de soins –, et par les nouvelles contraintes qui pèsent sur les établissements qui ne relèveront pas du service public hospitalier, on bouleverse un modèle, certes perfectible, mais qui avait l’avantage d’articuler le public et le privé. Je ne vois pas dans cette réforme aucun des progrès dont a besoin notre système de santé. Je pense à la responsabilisation des usagers, au développement de la médecine ambulatoire ou à la rationalisation des systèmes d’assurance maladie.
Hervé Morin a annoncé cette semaine qu’en cas de duel FN-PS, il préférerait voter blanc, et PS à la présidentielle « j’ai connu l’Assemblée nationale en 1986 avec un groupe parlementaire FN, est-ce que la République a été menacée par la présence du FN? Certainement pas. ». Lors des élections dans le Doubs, le parti centriste avait appelé à voter pour le candidat socialiste. A l’instar de l’UMP, l’UDI vivrait-il une crise identitaire ? En quoi un Front national à 30% dans les sondages rebat-il les cartes des positions centristes ?
Si nous raisonnons sur l’avenir de nos partis politiques par des tactiques anti-Front national, alors on disparaitra. Les Français n’attendent pas de nous des coalitions défensives par rapport à qui que ce soit, mais une remise en cause du système établi qui ne fonctionne plus. Le Front national incarne seul cette transgression. Il faut porter une autre transgression du système établi, mais avec des vraies solutions, ouvertes, contemporaines, innovantes et ambitieuses. La vision du Front national est archaïque, elle nous ramène au XXème siècle. Tout aussi archaïques sont les partis traditionnels, quand on voit les mêmes acteurs depuis trente ans, qui jouent la même pièce, figés dans les conservatismes, qui verrouillent le débat politique et n’arrivent pas à enclencher les grandes réformes de modernisation dont la France a besoin. On a parfois l’impression qu’ils en sont restés au XIXème siècle. Nous sommes au début du XXIème siècle, à la fin d’un cycle, il est urgent d’en prendre conscience.
Récemment, un sondage Odoxa pour le parisien (voir ici), montrait que si l’alliance UMP-UDI-DVD dépassait d’une courte tête le FN pour les élections départementales, les intentions d’abstention s’élevaient malgré tout à 56%. Comment répondre à ceux qui considèrent que voter n’est pas important ?
Pas en tout cas par le vote obligatoire comme certains tentent de le proposer. Cela apparaitrait comme un renoncement à convaincre les Français avec des idées neuves et audacieuses. Quand un produit ne se vend pas, vous n’essayez pas de rendre son achat obligatoire, mais plutôt de le faire évoluer pour qu’il réponde à la demande. C’est donc au politique de se remettre en cause et de susciter un vote d’adhésion. Personne aujourd’hui ne va dans ce sens. C’est tellement plus facile de gagner les élections en critiquant l’autre. Je suis persuadé que la grande majorité des Français pensent que voter est important. Mais je suis aussi convaincu que la résignation l’emporte sur la mobilisation.
A propos de la nouvelle formation qu’il souhaite créer, dont le nom « Les Républicains » a été évoqué, Nicolas Sarkozy aurait dit « Ce sera une formation beaucoup plus large, plus rassembleuse, plus dynamique, ouverte à tous ceux qui voudraient préparer l’alternance, et notamment au centre ». Comment appréhendez-vous cette ouverture sur le plan des idées ?
Pour faire quoi ? L’alternance est une chose ; le redressement de la France en est une autre. C’est la question du projet qui se pose aujourd’hui pas celle d’un nom. Les Français ne se contenteront pas d’un emballage, d’un nouveau nom, de quelques slogans, ni d’un cadeau-surprise …
Existe-t-il des points sur lesquels le degré de compatibilité reste à éclaircir ?
Nous sommes encore loin d’une étape d’ajustement des offres. Dans la mesure où la France a besoin de se réinventer, toutes les grandes orientations méritent d’être élaborées et exprimées clairement : la réforme des modèles politiques et de la gouvernance des territoires et de l’Etat pour diminuer la dépense publique ; la réforme économique et fiscale autour d’un véritable réamorçage de la compétitivité et de l’investissement ; la réorganisation des politiques sociales et familiales pour assurer de véritables solidarités et neutraliser les effets d’aubaines qui ruinent nos systèmes d’assurance ; l’impulsion européenne pour établir une stratégie de croissance dans la mondialisation et consolider une perspective économique commune ; le rôle de la France dans le monde pour maintenir notre rayonnement et arrêter une doctrine de défense nationale. C’est à l’aune d’une comparaison des réponses données par les uns et les autres à ces grandes problématiques que nous pourrons valider les compatibilités des projets et arrêter, le cas échéant, une stratégie commune pour 2017.
D’ailleurs en Octobre 2014, un sondage Ifop montrait que 74% des sympathisants UDI estimaient qu’il y avait trop d’immigrés en France. Existe-t-il un décalage entre sympathisants et cadres du parti ? Comment comptez-vous répondre à ce sentiment ?
En regardant ce sujet en face. Sans tabous. Et en faisant des propositions sur les axes de réponses que sont la régulation des flux, la surveillance aux frontières, la définition d’une politique européenne cohérente sur le droit d’asile et la mise en place d’un dispositif d’intégration. La politique du laisser-aller que nous tolérons aujourd’hui est une terrible hypocrisie. Elle est indigne d’un pays comme le notre et elle génère cette communautarisation de l’immigration qui est la source d’une grande misère.
Récemment, François Hollande s’est dit favorable à la candidature de la France aux Jeux Olympiques de 2024 à Paris. Dans quelle mesure cette annonce contrevient-elle à votre ambition d’accueillir l’exposition universelle de 2025 ?
Le 6 novembre dernier, François Hollande a déclaré « La France sera candidate à l’Exposition universelle de 2025 ». Dans la suite de sa déclaration nous avons engagé les discussions avec le Premier ministre pour organiser cette candidature que nous devons gagner. En parallèle, des dizaines d’entreprises, d’universités, de grandes écoles et de collectivités sont mobilisées pour donner corps à cette candidature. Le 5 mars dernier, devant plus de 120 ambassadeurs des différents pays du monde, nous avons présenté cette candidature avec Emmanuel Macron, ministre de l’Economie. Notre motivation est très forte car notre pays a besoin de ce nouvel élan. Nous devons maintenant faire de ce projet l’ambition de la France toute entière.