Par PAULINE DE SAINT REMY
Borloo, Morin, Lagarde : à un mois des législatives, les chefs de file du centre droit jouent des coudes pour attirer Jean-Christophe Fromantin dans leurs filets.
« Prix de l’élu local de l’année » en 2011, Jean-Christophe Fromantin n’en finit plus de faire des jaloux. Non content d’avoir chipé la mairie de Neuilly-sur-Seine à l’UMP en 2008, il a remporté une large victoire aux cantonales (Neuilly nord) face à la candidate du parti, Marie-Cécile Ménard, et pourrait bien faire son entrée au Palais-Bourbon en 2012. Comble de l’insolence : candidat dans la sixième circonscription des Hauts-de-Seine – qu’il pourrait remporter d’autant plus facilement que l’UMP sortante, Joëlle Ceccaldi-Raynaud, a préféré ne pas se représenter -, il se paye le luxe de ne pas réclamer le soutien du parti de Jean-François Copé.
Au centre droit de l’échiquier politique, il n’a pas encore choisi de futur groupe pour siéger à l’Assemblée, mais le reconnaît lui-même : il ne serait pas mécontent de bénéficier d’un temps de parole digne de ce nom. De leur côté, les figures politiques de ce courant, qui ressortent affaiblies de la campagne présidentielle et dont les troupes pourraient bien être réduites à la portion congrue, cherchent par tous les moyens à reconstituer des groupes parlementaires autonomes… en fonction de leurs inimitiés. Il n’en fallait pas plus pour que Fromantin les voie défiler sur le perron de la mairie de Neuilly. Et pour que chacun y aille de sa petite proposition.
Le Nouveau Centre se déchire
Côté Nouveau Centre, ils sont deux (ennemis jurés) à la manoeuvre : Hervé Morin et Jean-Christophe Lagarde. Entre eux, la rupture est consommée depuis le désastreux congrès du parti, fin février. Morin, le président, s’est porté candidat à la présidentielle contre l’avis d’une partie non négligeable de ses cadres, avant de se résoudre à soutenir Nicolas Sarkozy. Il compte désormais sur la réélection de 12 députés (sur 22 sortants), n’incluant ni Lagarde ni François Sauvadet, futur ex-ministre de la Fonction publique, contre qui il est (presque) aussi remonté. Soignant ses relations avec Jean-François Copé, à qui il a proposé la rédaction d’une plate-forme programmatique commune, Morin assure n’avoir qu’un seul objectif jusqu’au 17 juin : un groupe parlementaire (15 députés). Car l’ex-ministre de la Défense croit pouvoir compter sur le ralliement de quelques « recrues extérieures potentielles ». Traduire : des centristes égarés entre le MoDem, le Parti radical et l’aile modérée de l’UMP.
Quant à Lagarde, président exécutif du parti, il est candidat à sa réélection dans la cinquième circonscription de la Seine-Saint-Denis, historiquement ancrée à gauche, où il est élu depuis 2002. Le mauvais score de Nicolas Sarkozy (moins de 40 %) laisse penser que son combat est loin d’être gagné. D’autant que, s’il a d’abord soutenu la candidature de Jean-Louis Borloo et s’est très ouvertement opposé à celle de Morin, il a finalement été officieusement nommé porte-parole de la campagne de Nicolas Sarkozy. Mais, pour l’avenir, ce proche de Laurent Hénart (numéro deux du Parti radical) pare à toutes les éventualités. Notamment celle de rejoindre, s’il est réélu, avec François Sauvadet et une poignée d’élus Nouveau Centre acquis à sa cause, un groupe parlementaire radical autonome et forcément élargi, lui aussi, à quelques « centristes » égarés.
Borloo cherche sa place
Encore faudrait-il que Jean-Louis Borloo soit bel et bien décidé à constituer un groupe centriste autonome, comme il le clame depuis plusieurs mois. « Démonétisé » – de l’aveu même de certains de ses plus proches soutiens – depuis le retrait de sa candidature en catimini, au mois d’octobre dernier, lui aussi consulte à tout-va et, forcément, a rencontré Fromantin. Selon nos informations, il lui a même fait miroiter, il y a moins d’un mois, la tête de cet éventuel groupe radical élargi à l’Assemblée. Mais lundi dernier, Borloo déjeunait avec Lagarde, Sauvadet et les UMP Pierre Méhaignerie et Jean-Pierre Raffarin – l’ancien Premier ministre plaide, de concert avec Jean-François Copé, pour un courant « humaniste » à l’intérieur de l’UMP…
Fromantin, lui, assure observer ces manoeuvres d’un oeil distrait, pour l’instant. « On ne monte pas un groupe en quelques semaines… Et puis le mot centre est complètement galvaudé. Il faut redéfinir, réécrire cette famille politique. Lui redonner du sens, ne pas la réduire à une force d’appoint, une force de compromis », regrette-t-il. S’il tient à rester indépendant de l’UMP, il évoque une « indépendance exigeante et compatible » plutôt qu’une « indépendance forcenée » et explique que le choix de François Bayrou en faveur de François Hollande le met « mal à l’aise ». Interrogé par Le Point.fr il y a tout juste un an, le maire de Neuilly prévenait déjà : « Il faudra travailler sur le fond. »